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Aujourd’hui, je suis très heureux d’accueillir mon 1er invité dans le podcast. Il s’agit de Sylvain Tillon, co-fondateur de Tilkee, une solution de tracking qui permet d’améliorer vos ventes en analysant la lecture des documents que vous envoyez à vos prospects et clients.

Sylvain n’en est pas à son coup d’essai ! À ses début, il a créé une première boite qui a coulé au bout de 6 ans.

L’épreuve de la liquidation l’a beaucoup marqué mais il a su apprendre de ses erreurs et de son échec pour finalement rencontrer le succès avec Sydo.

Et c’est justement grâce à Sydo et à ses propres problématiques quotidiennes qu’il trouve l’idée de Tilkee. Il crée une première version sommaire mais suffisante pour lancer le projet.

Aujourd’hui, Tilkee génère 150 000 € par mois, et ce n’est que le début !

Dans cet épisode, vous allez découvrir :

  • Les premiers projets de Sylvain.
  • Comment il a enchaîné les erreurs à ses débuts.
  • Comment il a décidé d’apprendre lui-même de ses erreurs.
  • L’aventure Sydo
  • De Sydo à Tilkee
  • L’astuce qui lui a permis d’économiser plusieurs milliers d’euros pour faire connaître sa boîte.
  • Pourquoi il ne compte pas investir sur le marché américain.
  • Et plus encore…

Dans cet épisode vous allez découvrir

  • 02:09 : Son tout premier business.
  • 12:53 : Comment il a lancé Sydo.
  • 15:50 : Comment il a trouvé l’idée de Tilkee et comment s’est passé le démarrage.
  • 25:02 : Les meilleurs canaux marketing qu’il a utilisés pour faire croître Tilkee.
  • 27:50 : Les chiffres de Tilkee aujourd’hui.
  • 30:07 : Les entrepreneurs dont il s’inspire.
  • 32:20 : Pourquoi il a choisi de ne pas s’attaquer au marché américain.
  • 35:10 : Les prochaines étapes clés de la croissance.
  • 37:22 : Le pire moment de son parcours d’entrepreneur et comment il a fait pour rebondir.
  • 40:00 : Ses plus beaux moments.
  • 41:46 : Le livre qu’il recommande.
  • 42:33 : L’Entrepreneur qu’il suit.
  • 43:27 : Son outil en ligne préféré.
  • 44:48 : Son 1er conseil pour quelqu’un qui aimerait se lancer aujourd’hui.
  • 45:40 : Le meilleur investissement qu’il a réalisé pour faire croître son entreprise.

Ressources mentionnées

Le Blog qu’il recommande

  • guilhembertholet.com de Guilhem Bertholet

L’entrepreneur qu’il suit

  • Ragnar Sass de Pipedrive

Son outil en ligne préféré

  • Son outil en ligne préféré : Lusha

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Autres ressources mentionnées

Premiers projets

Naier : Sylvain, est-ce que tu es prêt à nous révéler l’entrepreneur qui est en toi ?

Sylvain : Oh ! Avec plaisir ! Après, je ne suis pas sûr que ce soit quelqu’un de vraiment différent de tout le monde. C’est un choix de parcours pro au moment ou une folie aussi hein ! D’ailleurs, je ne savais pas dans quoi je me lançais. Mais c’est avec plaisir d’échanger avec toi !

Naier : Excellent ! Alors, aujourd’hui je suis très heureux d’accueillir Sylvain. Sylvain, c’est le cofondateur de Tilkee.  C’est une solution de tracking qui permet de mieux vendre en analysant la lecture des documents que vous envoyez à vos prospects et clients.

Sylvain : Excellente présentation !

Naier : Sylvain, on va reparler de Tilkee. D’abord, j’aimerais qu’on remonte un peu le temps et qu’on s’intéresse un peu à ton parcours personnel. Est-ce que tu te rappelles du tout premier projet ou business que tu as fait ?

De l’organisation d’une soirée étudiante à cuisinier

Sylvain : Le tout premier business que j’ai pu faire ! Alors ça remonte aux années collège ou lycée ça.

Qu’est-ce que j’ai fait comme bêtises à l’époque : organisation d’une soirée étudiante dans mon lycée où j’ai fait venir deux mille personnes dans une grosse boîte de nuit à Paris. Ça s’est évidemment mal passé, les flics étaient intervenus les gaz lacrymo.

Je me suis retrouvé éjecté de ma propre soirée où je me suis battu avec un gars.

J’ai fait de petits boulots dans la restauration. Je me suis retrouvé gérer une pizzeria dans ma petite ville parce que le boss était parti en vacances. Il trouvait que je gérais suffisamment bien.

C’est là où j’ai pris goût à gérer, à travailler avec une équipe, à essayer de faire tourner un business, à essayer d’améliorer les choses du quotidien et que j’ai aussi eu envie de faire aussi à ma façon, de produire les erreurs que j’ai pu voir, sachant qu’il y a un autre job qui m’a, pêle-mêle, marqué.

J’étais cuisinier caché à Malte à l’âge de 17-18 ans. En effet, je n’avais pas de visa pour y travailler à l’époque. Il ne faisait pas partie de l’Union Européenne.

Mais comme j’étais Français, j’étais parmi les plus payés. À ce moment-là, on payait en fonction de la nationalité dans ce restaurant. Et les plus payés c’était les Maltais, devant les Français et Italiens, devant le reste de l’Europe et de l’Afrique. C’était assez surprenant !

Les bijoux pour motards

Donc voilà mes premiers projets. J’ai toujours eu une envie de monter ma boîte un jour. Pourtant, il y a 15 ans, c’était un peu moins à la mode qu’aujourd’hui.

J’avais dit ça en école de commerce : « je vais faire 10 ans de conseil. Et une fois que j’aurais acquis l’expérience et que j’aurais mis un peu de sous de côté, je me lancerai ». Sauf qu’en première année, on devait tous faire un projet virtuel de création d’entreprises et j’ai joué le jeu.

Comme j’étais motard, j’ai fait des bijoux pour cheveux. Donc, il n’y a pas beaucoup de liens trouvés entre les itinéraires un petit peu cachés.

Sur les blousons moto, il y a du scratch et je m’étais rendu compte que ça tenait bien mes cheveux. Donc, je me suis dit : « pourquoi ne pas mettre des petits bijoux avec du scratch dans mes cheveux ». C’était très moche, mais je l’ai fait très sérieusement et j’en ai vendu quelques-uns.

Du coup, j’avais été sélectionné parmi les douze 12 meilleurs projets de l’école. Et dans le jury, il avait une femme qui est tombée amoureuse du projet. Elle ’a proposé de m’accompagner pour aller plus loin si je trouve une autre idée.

En plus de ça, cette femme travaillait chez L’Oréal. C’était plutôt un gage de sérieux et de vrais intérêts par rapport à ce projet de bijoux pour cheveux qui en est devenu une boîte à 20 ans. L’aventure a duré six ans et j’y ai appris plein de choses.

J’ai voyagé à travers le monde. J’ai refait toutes les erreurs du monde. D’ailleurs, j’ai fini au tribunal avec des procès et des dettes, mais c’était vraiment une aventure incroyable. Ça, c’était les débuts.

Comment il a enchaîné les erreurs à ses débuts

Naier : Et dans cette première boîte, est-ce que tu peux nous dire un ou deux catastrophes que tu as faites qu’il faut éviter de faire ?

Sylvain : Il y en a beaucoup. Parmi les premières, j’ai mis trois ans à aller voir Brigitte qui était coiffeuse. Pourtant, elle habitait à 200 m de mes bureaux.

J’avais très peur que Brigitte me dise non. Ce « non », je ne le prenais pas tant pour mon produit, mais pour moi, vu que c’est moi qui avais inventé ce bijou. Ce qui représente une terrible erreur parce que j’ai mis très longtemps à comprendre mes clients et à comprendre le marché. J’avais peur de vendre.

Arnaque ou non ?

La deuxième erreur, je l’ai découverte peu de temps après complètement par hasard. Pour vous l’expliquer, voici le schéma : en juillet 2005 je reçois un mail de la Côte d’Ivoire pour m’acheter des bijoux. Il me donne les références des bijoux qu’il voulait acheter avec les bons prix, etc.

J’échange avec cette personne, je l’appelle même sur son numéro en Côte d’Ivoire. On échange nos téléphones et je lui demande comment il compte payer. Il me répond : « par CB ».

Je lui dis : « OK, très bien ! » Mais juste avant d’envoyer les produits, j’appelle quand même mon banquier en lui disant :

  • « ça a l’air très sérieux, je les ai appelés, ils connaissent vraiment ma boîte ». Est-ce qu’il y a un risque quelconque avec le paiement par CB ? »
  • « C’est une CB volée ! » Donc vous allez envoyer les produits et recevoir l’argent sur le compte. Mais le jour où le titulaire de la carte va à s’en rendre compte, dans la semaine qui suit, l’argent va repartir de votre compte. Pendant ce temps, produits seront déjà arrivés là-bas ».

Effectivement, quand j’ai dit à mon interlocuteur ivoirien que je préférais un virement, je n’ai plus eu de contact.

Ça, c’était le début de l’histoire. Un an après, au mois d’août, une autre connerie, c’est de ne pas prendre de vacances, mais je n’avais toujours pas appris la leçon.

Je suis au bureau, je reçois le mail d’un roumain : même format, même idée. Je sais que c’est une arnaque, donc je lui triple le prix. Le mec dit : « OK ! » À la fin, je lui répond : « moi, c’est uniquement du virement. Je ne prends pas la CB ». Il fait : « pas de problème ! »

Le lendemain j’avais des sous sur mon compte. Leçon et moralité de tout ça : Si un Roumain était capable de mettre trois fois le prix de vente que je proposais en France, c’est qu’il y avait vraiment un problème.

Parfois, on a tendance à vouloir vendre pas cher pour vendre plus, alors que c’est une erreur. En tout cas, pour moi, ça en a été une énorme. D’ailleurs, je l’ai reproduite dans ma boîte d’après, puis chez Tilkee.

En montant nos prix, on a rassuré les clients. J’avais ce gros problème d’argent. Je ne me suis pas payée, ou pas assez, ou pas assez vite. Je m’étais toujours dit : « dès que je ferais plus que zéro, je me paierais ». Sauf que je n’ai jamais fait plus que zéro donc j’ai aussi perdu la motivation.

Socialement, c’est compliqué, parce que je ne fais plus les restos ni les apéros avec les copains. En réalité, je ne pouvais pas payer ma part. Je n’ai pas pris de vacances, j’en parlais juste avant.

J’ai voulu conquérir le monde parce qu’on avait pleines d’intentions positives de partout et j’ai été voyager aux États-Unis pour aller vendre là-bas, c’était fou. Sauf que je ne m’étais pas vraiment implanté en France. Du coup, c’était compliqué de gérer la com et le marketing des deux côtés avec le décalage horaire. Donc, je n’ai bien fait ni l’un ni l’autre.

Au final, j’ai perdu du temps, de l’énergie et de l’argent à vouloir faire les deux.

Une question de priorité et de focus

Une autre grosse erreur : j’avais tendance à préparer et à se focaliser sur la recherche et développement pour préparer les produits de demain. J’avais un proto assez incroyable de bijou parfumé avec du Chanel numéro 5 à l’intérieur. Il diffusait très doucement sans abîmer les vêtements ni les cheveux.

Une idée, sympa sauf que mes bijoux normaux pour cheveux n’étaient déjà pas vendus. Donc, je passais du temps à travailler sur le produit d’après alors que le produit du moment n’était toujours pas sur le marché. C’est ce qui vous fait perdre de l’argent et votre focus sur les bonnes choses. Voilà les 4-5 erreurs parmi la centaine que j’ai pu faire.

Apprendre de ses erreurs pour surmonter les échecs

Le manque de fonds

Voici une autre erreur : j’ai déposé un brevet sur mon idée. Il s’agit même d’un brevet mondial sr un nouveau système d’attache qu’on avait inventé. Sauf que je n’avais pas les moyens de défendre cette stratégie.

Du coup, je me suis fait attaqué par un concurrent qui a voulu me couler et qui a presque réussi à le faire.

Naier : Tu as été attaqué sur le brevet ?

Sylvain : Ouais ! il m’a attaqué sur le brevet pour ne pas que je puisse l’attaquer en me copiant. Moi, je ne pouvais pas attaquer non plus. À la fin, de toute façon, j’avais gagné.

Donc c’était un peu une erreur aussi de mettre de l’argent là-dedans. J’aurais mieux fait d’en mettre dans le marketing pour prendre de l’avance en fait. Donc voilà, plein d’erreurs !

Ah, si encore une autre tient ! On entrait dans le monde de la mode et de la coiffure, donc il fallait faire de jolies photos. Sauf que j’avais très peu d’argent à l’époque, donc j’ai sous-capitalisé la boîte. J’avais une énorme peur de l’échec.

Il y a un truc que je n’ai jamais osé faire : c’est de réaliser une vraie séance photo avec un vrai mannequin parce que ça coûte cher. En effet si je la ratais, je plantais la boîte. Du coup, j’ai fait plein de petites séances photos avec des simili mannequins, avec des presque coiffeurs et des presque photographes. À la fin, ça aboutit sur des presque photos.

Du coup, sur mes 6 séances, je n’ai pas eu de photos dont je suis fier aujourd’hui alors que ça m’a coûté même un peu plus cher qu’une seule belle séance avec un vrai modèle et un vrai photographe.

Après, c’est con parce que j’ai dépensé de l’argent en ne réussissant pas aller jusqu’au bout du truc et par peur de me planter. Finalement, je me suis planté. Voilà, mais il y en a plein d’autres.

Le business plan de 3 pages

Naier : Cela permet d’avancer et de ne plus refaire les mêmes conneries.

Sylvain : Je ne fais plus celles-là, mais j’en fais plein d’autres. Qu’est-ce que j’ai pu faire dernièrement ? Ce serait trop long ! Mais ouais, clairement, c’est ce qui m’a permis d’aider à prendre du recul par rapport à tout ça, c’est d’en créer un cours.

D’ailleurs, parce que mon business plan était très bien écrit, il respectait toutes les règles d’une boîte, d’un bon business plan tout comme il faut faire dans une grande école de commerce. Donc, on a même fait un petit levé de fonds. Mais si on sait le lire, si on a le recul nécessaire, si on est un peu entrepreneur, toutes les erreurs sont écrites entre les lignes.

Franchement le business plan se lisait trop bien. C’était une belle histoire ! Seulement, dans chaque paragraphe, vous pouvez voir la connerie que j’allais faire.

Sauf qu’en tant qu’étudiant on ne la voyait pas, donc ça permettait de faire un cours pour montrer aux étudiants que même dans le meilleur projet du monde, tu avais pleins d’erreurs qui étaient cachées. Et ça faisait presque du bien d’assumer et d’en parler en fait.

Naier : Et justement, à ce moment-là tu n’avais pas un mentor ou une personne qui pouvait t’aiguiller sur ces erreurs-là ?

Sylvain : Si, mais je préfère commettre mes propres erreurs. Ce qui est important, c’est quelqu’un qui m’allume les phares avant que je ne prenne le mur. Parfois, je n’avais pas à faire comme on dit en fait. Et ma naïveté ou ma fierté fait que j’aime bien faire mes propres conneries.

De toute façon, on avait beau me dire « ne le fait pas », j’allais quand même le faire pour voir si vraiment il ne fallait pas le faire ou, si, peut-être que le mentor en face de moi était trop vieux pour savoir comment il fallait faire.

Naier : Le courage ou comment on appelle ça ?

Sylvain : La bêtise ? Je ne sais pas.

L’aventure Sydo

Naier : Et après cette première expérience professionnelle du couffin entrepreneurial, est-ce qu’il y en a eu d’autres ?

Sylvain : Oui, alors après cette première boîte qui se termine, j’ai donné des cours et j’ai créé une société avec 3 pages de business plan.

La page 1 : je vais me payer 2000 euros dès le premier mois. En page 2 : je ne ferai que ce que j’aime et quand je veux. Et la troisième page : on fera une petite boîte. On ne montera pas au-delà de 20, mais on fera un petit truc où l’on s’éclate.

Voilà, on voit le business plan et on a tenu. Il existe toujours autour de cette passion de l’enseignement, de la pédagogie et de l’écriture.

J’écrivais des bandes dessinées, je donnais pas mal de cours de façon un peu différente où j’animais des formations de façon différente, voilà. C’est ça qui m’éclatais au quotidien.

Dessine-moi l’éco

Naier : D’accord !

Sylvain : Aujourd’hui, ça s’appelle Sydo et c’est une société qui produit notamment les vidéos « Dessine-moi l’éco ». Alors, je ne sais pas si vous avez déjà vu ces vidéos qui sont diffusées sur lemonde.fr avec une petite main qui explique des concepts économiques en 3 minutes. Un projet qui nous a fait connaître, qui est gratuit.

On n’a jamais eu de business model autour de ça. Déjà, on voulait apprendre des trucs qu’on ne comprenait pas toujours et, en plus, ça me permettrait de me montrer notre expertise dans le partage et la transmission d’informations. Donc ça, c’est la deuxième.

Naier : C’est super ! Du coup, ça, c’était votre canal marketing.

Sylvain : Ouais, mais ce n’était pas prévu comme ça. Au début, il n’y avait même pas notre marque sur les vidéos parce qu’on ne voulait vraiment pas que ce soit vu comme un objet publicitaire. On voulait vraiment faire un truc bien et être fier de faire partager une partie de notre savoir puisqu’on a lancé ça début 2012 avant les élections présidentielles.

En 10 ans, le sujet économique devrait être un des sujets majeurs de cette élection. Sauf qu’en France, on est assez peu éduqués là-dessus. Soit c’est compliqué de rentrer dedans, soit ça donne des solutions, mais ça n’explique pas le problème.

Nous, on veut expliquer les problèmes parce que les solutions, on ne les a pas. Et à la fin, à chacun de choisir son candidat en fonction de sa compréhension du problème outre son choix de proposer de solutions. Bon, ça n’a pas du tout été un sujet d’économie.

Qu’est-ce que c’est à l’époque ?

C’était la migration ou je ne sais plus quoi, comme d’habitude, comme toutes les élections. Mais on a, aujourd’hui, 50 millions de vues dans le monde francophone sur ces vidéos qui sont devenus une base dans l’enseignement de l’économie au lycée, même à la fac, et qui est une source pour tout le monde, gratuites, neutres pour expliquer des choses un peu complexes.

Mais oui, c’est devenu un peu plus marketing par la suite parce qu’on a quand même mis notre nom. On avait ras-le-bol que les gens félicitent et remercient Le Monde pour ces vidéos alors que c’est nous qui les faisons. Au bout d’un moment, on a écrit qui on était.

Naier : On partagera le lien dans l’article qui sera associé à l’interview.

Sylvain : C’est gentil ! Du coup Sydo commençait à bien grandir. On est une petite dizaine, on s’éclate, tout va bien.

Le souci de poids des pièces jointes

J’ai une problématique au quotidien, c’est que nous, on fait de très jolis livrables, on fait de belles vidéos, de jolies présentations, de jolis jeux sérieux, mais quand je revois les offres commerciales, elles sont moches parce que c’est trop lourd. Aussi, ça ne passe pas dans les pièces jointes des mails.

En plus, parfois, je ne veux pas envoyer la vidéo aux clients. Je veux qu’ils la voit, mais sans la télécharger et je cherche des solutions pour ne pas lui envoyer 14 vidéos. Du coup, on se met à créer un mini site avec un mot de passe pour que le client puisse accéder et voir les docks en ligne.

On colle dessus du Google Analytics et, un jour, alors que je travaille dans mes stats, je vois que j’ai un client qui est sur mon site en train de regarder mes documents d’offre commerciale.

Je l’appelle, je tombe bien parce qu’il n’avait rien compris. On passe un moment au téléphone. À la fin de cette discussion qui a duré 2 heures : « c’est exactement ce que je voulais, tu tombes vraiment bien, on va signer ensemble ».

De Sydo à Tilkee

Là, je rappelle mon collègue. Et ce qui est dingue, c’est de savoir quand mon prospect regarde mon offre, parce que là, ça me permet de l’avoir au bon moment, de répondre à ces questions et de lui apporter les réponses dont il avait besoin.

Et c’est comme ça qu’on imagine Tilkee en fait : vraiment sur un besoin perso et un hasard total. Sauf que, techniquement, c’est beaucoup plus compliqué que ce que j’avais imaginé.

Nous, on avait fait un proto que j’avais installé chez mes trois copains, et Tilkee est aujourd’hui une solution qui permet de mettre des traqueurs invisibles et légaux dans tous les documents avec plein de cas d’usage pour les commerciaux.

Naier : Du coup, juste techniquement, ça se met dans le PDF lui-même qu’on va envoyer dans le mail ? Ou, c’est un lien qui va ouvrir sur un site web où il y aura les documents, la vidéo, etc. ?

Sylvain : C’est un lien qui va potentiellement ouvrir le document PDF qui sera en ligne, qui est téléchargeable ou pas. Ça dépend de ton souhait. Mais c’est le même document accessible de partout où il n’y a plus de limites de poids.

Naier : D’accord !

Sylvain : L’autre version dont tu parles consiste à intégrer les trackers dans le PDF. C’est faisable ! On l’a déjà fait, mais c’est illégal, donc on a arrêté.

Naier : D’accord, je comprends !

Sylvain : Malheureusement !

Un investissement à plein temps

Naier : Du coup, comment s’est passé le passage vers Tilkee ?

Sylvain : Allez, on a une idée, on en crée une boîte et on y va. On a à nouveau été sélectionné parmi les 3 meilleurs projets à un salon de startups.

Naier : Et à ce moment-là, vous avez déjà développé quelque chose ?

Sylvain : On a quelque chose de présentable qui n’est pas vendable, mais qui est présentable pour montrer la valeur que ça apporte.

Naier : Super, donc c’est un modèle minimum, vous n’avez pas passé beaucoup de temps dessus ?

Sylvain : Bah, c’est celui que j’ai utilisé au quotidien en fait. Et on rencontre ses acteurs financiers qui nous disent : « nous, on est presque prêt à vous accompagner dessus ». Et je leur réponds : « c’est bien gentil, mais moi, j’ai une boîte, mon associé aussi ».

Nous on n’est prêt à y aller que si on a vraiment les moyens de nos ambitions. Je ne voulais pas répéter cette erreur de la sous-capitalisation de ma première boîte et on lève 500 000 euros en juillet 2014.

Et là, du coup, je quitte Sydo et mon associé vend sa boîte. On se met à plein temps sur Tilkee à partir de ce moment-là avec une aventure qui nous a complètement dépassée parce que que ça a pivoté mille fois. Ça a beaucoup changé puisque ça a été compliqué.

En juillet 2016, je pensais déposer le bilan, finalement ça s’est mis à décoller. Bah voilà, une aventure assez folle ! Aujourd’hui, on est 30 personnes, on ouvre à Londres dans 2 mois et on s’éclate, les clients sont contents, un produit qui marche…

En fait, la vraie difficulté, c’est qu’il faut pouvoir traquer tous types de documents sur tous types d’ordinateurs et de téléphones et que je n’imaginais pas que des gens puissent encore être sur Internet Explorer 7 par exemple ou puissent utiliser certains systèmes d’exploitation qui sont rares.

Sauf que moi, je ne peux pas dire à mes utilisateurs : « bah désolé, mais ton client il est con, il est sur un vieux navigateur. » Non, son client il n’est pas con, il utilise Internet Explorer 7, il faut que ça marche sur Internet Explorer 7.

Donc voilà, ça a été beaucoup plus long que prévu à réaliser. Mais aujourd’hui, on a un vrai beau produit et on s’éclate, où il y a plein de choses à faire et le champ des possibles n’est toujours pas fini.

Tilkee for jobs pour les demandeurs d’emplois

On a une version gratuite de Tilkee pour les gens qui cherchent du boulot. Elle s’appelle « Tilkee for jobs » qui permet de traquer son CV et sa lettre de motivation, et de savoir quel employeur s’intéresse à vous quand vous faites une candidature spontanée.

C’est un produit où l’on reçoit de l’amour tous les jours, parce que ça va aider vachement de gens en fait. C’est tellement frustrant – parce que j’en ai fait moi aussi pas mal – de ne pas avoir de retour du tout quand on cherche du boulot.

Là, au moins, je vous dis : « lui, il n’a jamais ouvert votre CV, donc ça ne sert à rien d’attendre sa réponse. Par contre lui, il l’a ouvert trois fois, passez-lui un coup de fil il y a des chances qu’il vous reçoive. » Rien que ça, après, ça fait beaucoup de bien.

Naier : C’est excellent ça ! Du coup, quand tu dis « c’est gratuit », c’est parce que c’est dans ses débuts ou c’est le modèle cible ?

Sylvain : C’est un modèle comme Dessine-moi l’éco.

Enfin, nous ça ne nous coûtait rien puisque la plateforme technique existe déjà. Et on trouve ça cool de faire un truc avec les rêves qui y sont liés. C’est : un – créer de l’usage, que les gens prennent l’habitude de traquer leurs pièces jointes stratégiques. Donc, dès que vous envoyez un document, vous attendez une réponse pour savoir si la personne en face l’a lu.

Il peut s’agir d’un CV, d’un livre blanc, d’un mémoire de fin d’études, d’un bon de commande… Bref, tous les documents qu’on peut envoyer et qui sont importants.

Deux : on a déjà signé des clients suite à ça parce que quelqu’un a retrouvé du travail, qu’il a dit à son chef comment il avait fait pour… enfin… pourquoi il les avait appelés eux, donc leur expliquer qu’il avait utilisé Tilkee, qu’il avait vu qu’ils s’étaient intéressé à son profil.

Du coup, c’est ça qui avait déclenché son appel. Il nous a vendu auprès des commerciaux en disant : « ben vous devriez utiliser la même chose pour envoyer vos devis et offres commerciales ».

Trois : par hasard, on s’est intégré dans l’application de pôle emploi, dans l’Emploi Store. Aujourd’hui, pôle emploi devient un client, puisqu’ils veulent mettre Tilkee à disposition nativement.

Si vous utilisez la plateforme pôle emploi, chaque fois que vous enverrez un CV, il sera traqué. Comme ça, vous saurez s’il a été lu ou pas et par quel employeur. Et eux nous achètent le droit d’utiliser la technologie, mais ce n’était pas prévu du tout. Vraiment ça n’a pas été fait pour ça !

Naier : C’est ce qui est important, là, c’est de donner de la valeur aux gens, puis ils viendront quoi ?

Sylvain : C’est ce qu’on se dit. Après, on lance plein de produits. On essaye plein de choses, on se plante très souvent, toujours !

Pourquoi Sylvain et son équipe préfèrent se passer de l’étude de marché avant de lancer un projet

Tous les ans, on fait un séminaire d’innovation où on lance et on imagine de nouveaux projets entre 3 et 5. On en finance 75 %, ou on essaye et on en plante 75 %. Donc, en gros, il reste toujours un parent qui devient un produit comme Tilkee for jobs qui est peut-être notre avenir commercial ; alors qu’au départ c’est juste un truc cool qui nous faisait marrer.

Il y a eu d’autres trucs qui paraissaient bien plus fous sur le papier, mais qu’on n’a jamais réussi à lancer et qu’on a mis à la poubelle. Ouais, on a ce modèle de dire : « on ne fait pas d’études de marché. On lance un proto, on essaye de voir si ça plaît. Si oui, on continue ».

Naier : Un concept en interne ?

Sylvain : Ouais !

Naier : D’accord !

Sylvain : Ouais, pour plusieurs choses : un, parce que c’est motivant pour les équipes.

Deux : je ne veux pas que ce soit ma boîte. Je veux aussi que ce soit la leur boîte et qu’ils se sentent tous impliqués dans le truc. Plus ils auront de marges de manœuvre pour la faire bouger, plus ils seront motivés au quotidien.

Trois : parce qu’au final je n’ai pas toujours les meilleures idées, loin de là. Il y a deux ans, un collègue m’a proposé la solution de créer Tilkee for marketing, donc : analyse massive de lecture de documents. Je ne voyais pas trop l’intérêt, mais bon, comme il l’avait fait le projet dans le cadre et que cela avait été unanimement applaudi par les collègues, on l’a financé.

Aujourd’hui, c’est une offre qui représente plus de 30 % de notre chiffre d’affaires, alors que je n’y croyais pas. Et j’en suis super fier en fait. C’est trop cool !

Alors, ce qui est marrant, c’est que ce projet-là, il a mis 6 mois à être développé et non 2 ans. Comme c’était leur idée, ils n’avaient vraiment pas envie que ça bug.

On l’a aussi un peu fait avec le client. Du coup, ça répondait tout de suite à ses besoins. Il y a eu moins de pivots comme on a pu le faire sur la première boîte. Et ils n’ont pas répété les erreurs que j’ai pu faire. Du coup, je suis trop fier de voir qu’ils avaient énormément bien appris.

Naier : Excellent ! On apprend beaucoup de choses avec toi Sylvain.

Sylvain : C’est gentil !

L’astuce qui lui a permis d’économiser des milliers d’euros pour faire connaître sa boîte

Naier : Concernant Tilkee, quel a été le meilleur canal marketing que vous avez utilisé pour le faire croître ? S’il y en a un à citer, on va dire.

Sylvain : Ouais, mais c’est paradoxal. Celui qui a le mieux marché dernièrement c’est l’envoie de 100 blacks cards, une sorte de carte de crédit noire avec le nom du client, son numéro d’utilisateur et un cadeau à nos 100 meilleurs utilisateurs pour de vrai.

En fait, il y en a plus de 120 et on a fait des posts LinkedIn dédiés à ça. Donc c’est génial ! On est trop fier d’être dans les 100 meilleurs utilisateurs Tilkee.

Ça nous a généré un nombre d’appels de boîtes qui nous dit : « c’est génial votre truc, on veut pareils », qu’on n’avait pas imaginé alors que c’était une idée. On s’est dit : « comment remercier nos clients les plus fidèles, qui utilisent le plus les applications quel que soit leur budget ? »

En fait on n’a pas changé les prix. L’application, il y a 4 ans, était à 6 euros par mois. Maintenant elle est à 39. Il y a des gens qui ont reçu cette carte alors qu’ils ne payent que très peu tous les mois, mais bon, c’est le jeu. Je n’ai pas fait en fonction de leur potentiel de chiffre d’affaires. J’ai vraiment fait en fonction de leurs usages.

Ils étaient trop fiers de dire sur les réseaux sociaux qu’ils utilisaient Tilkee et qu’ils faisaient partie des 100 meilleurs utilisateurs français. Impact de dingue !

On envoyait un courrier, ça nous a coûté 200 euros. En termes de com, c’est une opération qui m’aurait coûté 20000  si j’avais dû la faire en payant. Il y a des petits trucs comme ça !

Après, un autre truc qui a ultra bien marché en mai ou juin dernier : on a partagé le business plan qui nous a permis de vendre, de lever 3 millions et demi. C’est le vrai business plan.

Naier : Sur votre blog ?

Sylvain : Sur le magazine des startups qui s’appelle Maddyness. Là, où il y a un article : « comment Tilkee a levé 3 millions et demi ». On partage de façon transparente notre pitch deck. Du coup, vous le saurez, mais ne faites pas attention.

Vous êtes traqué pendant que vous lisez et au moment où vous fermez le document, on vous envoie vos statistiques de lecture, en mode : « bah tu es passé 10 secondes dessus, c’est quand même vraiment pas beaucoup de temps. Je t’assure qu’il est intéressant, reviens-y » ; ou : « t’as passé 3 minutes, j’espère que tu as trouvé les réponses à tes questions, sinon je suis à ta dispo si tu as d’autres questions dessus ».

Et les gens, en fait, ont découvert Tilkee sans le savoir. Du coup, ils lisaient le projet de la boîte, mais en même temps, ils se faisaient traquer et ils ont vu l’impact et l’intérêt que ça pouvait avoir.

Ça nous a généré un nombre de nouveaux clients assez hallucinant sur une opération toute bête qui était gratuite. En fait, j’ai juste envoyé cette proposition d’article à Maddyness qui trouvait ça cool. Du coup, il l’a diffusé.

Tilkee en quelques chiffres

Naier : Waouh, excellent ! Sylvain, ou est-ce que vous en êtes aujourd’hui sur Tilkee en termes de chiffres ?

Sylvain : Là, on dépasse les 100 000 euros de chiffre d’affaires récurrent par mois. On fait un peu de services tous les mois, donc on n’est pas loin de 150 000 euros de chiffres d’affaires.

Nous sommes 30 à Lyon, on ouvre à Londres dans deux mois et nous serons trois personnes là-bas. On va discuter avec des boîtes allemandes pour s’implanter en Allemagne en rachetant une entreprise.

Nous avons un modèle qui grandit bien même si on est sur un marché très jeune en Europe. Les gens n’imaginent pas que traquer les documents, c’est possible et légal. Donc, il faut que l’on communique partout, que l’on montre que ça marche et quel impact ça peut apporter. Notre chance, c’est que nos utilisateurs, après l’avoir testé, sont convaincus.

Donc il faut réussir à les faire tester, à leur faire prendre en main l’application au moins pendant un mois. Après, ils ne partent plus. Ce qui nous rassure, c’est qu’ils ne se désabonnent pas non plus alors qu’il y a un gros bouton désabonnement facile à cliquer dans Tilkee.

Il y a 2,15 % désabonnements par ans, parce qu’on délivre vraiment la promesse qui est écrite sur le site : « on va vous aider à mieux vendre. On va vous rendre plus efficace au quotidien très simplement, sans efforts supplémentaires ».

À priori, les gens sont contents, donc ça, ça fait du bien. Et nous, on expérimente plein de choses au niveau humain et au management.

J’essaie de créer une boîte dans laquelle j’aurais pu être salarié. Du coup, ce n’est pas une entreprise libérée, c’est autre chose, c’est un modèle où c’est très transparent, tout est accessible. Je fais beaucoup intervenir mes collaborateurs dans les grandes décisions comme la levée de fonds. On l’a votée ensemble il y a un an.

J’avais présenté 3 plans stratégiques possibles qui nous plaisaient. Ensemble, on a voté l’un d’eux avec l’idée de faire cette grosse levée de fonds pour accéder à l’international.

Les collaborateurs peuvent avoir des idées, peuvent essayer, ont le droit de se planter sans se mettre en danger par rapport à leur job. Et il y a aussi un système de confiance qui fait que c’est aussi leur boîte. À eux de jouer quoi ! Donc voilà.

Tilkee pour envoyer les dossiers de candidatures

Naier : Tu t’es inspiré de quelle entreprise s’il y en a une ?

Sylvain : Je m’inspire d’entrepreneurs que je rencontre et de choses qui vont m’éclater ou de choses dont j’ai envie de faire le contraire. Enfin, je ne m’inspire pas des gens qui m’énervent et où je me dis : « je ne veux vraiment pas reproduire ça parce que ça m’aurait rendu dingue ».

Donc, je pique des choses. Là dernièrement, on a piqué le formulaire pour postuler de Abricot, une startup dans le dating. En fait, ils ont réalisé un super article : « comment on a généré 1000 candidatures en trois mois et comment on a reçu 12 candidats de super qualité suite à ça ».

Ils expliquent tout leur modèle que j’ai trouvé assez génial. Je ne l’ai pas piqué dans son entièreté puisqu’il y a des trucs qui ne me plaisaient pas. Toutefois, j’ai piqué un bout que j’ai trouvé extra et que j’ai un peu retravaillé à ma façon.

Du coup, on ne demande plus de lettres de motivation aujourd’hui, mais d’utiliser impérativement Tilkee pour envoyer le CV. Ça a beau être écrit en gros, en gras que c’est obligatoire, il y a quand même un quart des postulants qui nous envoie un lien Linkedin ou Drive.

Je suis désolé, la moindre des choses c’est de regarder ce qu’on fait et de prendre 2 minutes pour tester le produit. Du coup, c’est assez facile à éliminer.

Ensuite, on a écrit les deux horribles règles de Tilkee qui font que vous pouvez ne pas vouloir postuler chez nous et que l’on vous demande de lire avant de valider votre candidature.

Dedans, il y a par exemple le fait qu’on ait une transparence des salaires. Tout le monde connaît les salaires au sein de la boîte. On ne valorise pas les diplômes pour le salaire et les commissions commerciales sont en partie partagées avec le reste de l’équipe.

Il y a peu de télétravail pour les commerciaux parce qu’on travaille souvent en binôme et qu’on a besoin d’être avec son collègue. De plus, les horaires ne sont pas trop flexibles vu que nos clients travaillent de 9h à 18h. Il faut qu’on puisse répondre à leurs besoins immédiatement.

Il n’y a pas tickets resto, il n’y en aura pas à court terme. Pas de bureau fermé, je n’en veux pas. On est tous en open space. On a tous le même bureau, on a des salles de réunions pour s’isoler comme là, mais j’ai un bureau comme tout le monde au sein de l’open space, voilà. Les 12 autres règles, je ne sais plus ce qu’il y a dedans.

Pourquoi il ne compte pas investir sur le marché américain

Naier : Toute l’équipe est à Lyon ?

Sylvain : Pour l’instant oui, mais bientôt un deuxième bureau à Londres.

Naier : D’accord ! Et donc, là tu as parlé de Londres et de l’Allemagne.

Sylvain : Ouais !

Naier : Pourquoi n’avez-vous pas attaqué le marché américain ? On sait que c’est le plus gros.

Sylvain : On y est allé, mais on s’est mangé des murs deux fois. La première fois parce qu’en fait, ils ont des usages assez différents de nous.

Aux États-Unis, il est impensable de créer une entreprise sans CRM. En France, les boîtes qui ont déjà un outil de gestion commerciale, c’est rare. Et souvent, ça intervient après plusieurs dizaines de millions d’euros de chiffres d’affaires.

On s’est dit : « ce serait bien qu’on organise un peu tout ça ». Du coup, ils veulent que toutes leurs applications soient liées au CRM. Les premiers voyages, ça a été un peu ça, c’est de nous dire : « mais les gars vous n’êtes pas dans le Salesforce ? Vous n’êtes pas dans le Pipedrive ? »

Non, nous, on ne veut pas que le data soit dans Tilkee. il faut que le data soit dans notre CRM. Alors, tant que ce n’est pas dans le logiciel qu’on utilise au quotidien, on n’ira pas plus loin. Donc, on est rentré en France, on s’est connecté à tous ces outils et on est retourné là-bas. Et là, nouveau problème, on a une trentaine de concurrents aux US alors qu’on n’en a pas vraiment en France, parce qu’il y a un vrai marché là-bas.

Naier : Ce sont des boîtes de CRM ou ce sont des boîtes qui font des outils de tracking ?

Sylvain : Non, comme nous.

Naier : D’accord !

Sylvain : De bons concurrents directs de Tilkee, sauf que les deux plus gros  ont levé 100 millions de dollars, donc un peu plus que nous. En plus, ils sont américains et ils disposent de fonctionnalités qui sont illégales en Europe. Du coup, on ne les a pas développés, sauf que c’est cool comme fonctionnalités.

Par exemple ils peuvent vous trouver les fichiers LinkedIn de la personne qui est en train de lire votre offre commerciale. C’est génial ! Ça fait gagner du temps.

Moi, je n’ai juste pas le droit de le faire. En fait, quand vous envoyez vos documents traqués, chez mes concurrents américains, ils vont poser des cookies sur l’ordinateur de la personne qui  les ouvre et ils vont réussir à savoir précisément qui c’est. Ils vont réussir à récupérer ses coordonnées, à récupérer sa fiche LinkedIn et même à vous dire ce qu’il va voir sur internet après avoir fermé l’offre commerciale.

Franchement c’est cool ! Ils sont ultra intrusifs et c’est juste illégal en Europe. Ici, on n’a pas le droit de faire ça.

Donc, on est moins bon qu’eux aux États-Unis parce qu’on n’a pas ça et que ce serait compliqué d’avoir un produit américain et européen… enfin… compliqué et cher.

C’est compliqué en termes de marketing, compliqué à maintenir parce qu’il y a 2 produits différents à faire et on a choisi de ne pas y aller en disant que l’Europe est un marché suffisamment à potentiel. Pour l’instant, vu qu’on avait fait ce choix d’être compatible au RGPD, on avait un vrai avantage concurrentiel.

Du coup, on pouvait prendre de l’avance, avant qu’ils aient le temps de s’adapter et arrivent. Donc on reste concentré sur l’Europe à 200 %.

Naier : Avez-vous des concurrents sur l’Europe ?

Sylvain : Très peu, voire pas. On à ces concurrents américains que vous n’avez pas trop le droit d’utiliser mais que vous pouvez utiliser.

Les prochaines étapes clés de la croissance de Tilkee

Naier : D’accord ! Sylvain quelles sont les prochaines étapes clés de la croissance de Tilkee ?

Sylvain : Ce sont ces ouvertures de bureaux à l’étranger. Aujourd’hui, on a un modèle de management qui se base beaucoup sur la tradition orale. On se dit beaucoup les choses, on se voit beaucoup, et là, on ne va pas voir les gens, donc il va falloir changer de modèle.

Il va falloir qu’ils se sentent Tilkee. On appelle « les Tilkeeeurs » ceux qui travaillent chez Tilkee. Il va falloir qu’ils se sentent Tilkeeeur alors qu’ils ne travaillent pas à côté de nous, qu’ils vont être sur un marché différent qui va être dur à ouvrir parce qu’ils ne sont pas attendus.

Aujourd’hui ,en France, on a un peu de notoriété donc c’est agréable. Eux vont repartir de zéro et je sais à quel point c’est compliqué et qu’ils auront parfois l’impression de ne pas être compris ni entendu.

L’Europe, un marché stratégique

Il va falloir qu’on lutte pour que ça se passe bien parce qu’on veut être en Europe, c’est stratégique pour nous. Nos clients sont de plus en plus européens, voire mondiaux et ça leur rassurerait qu’on soit implanté dans ces pays-là. Donc on n’a pas le droit de rater ça. C’est une vraie difficulté humaine et managériale que je vois dans les prochains…

Naier : Vous êtes deux associés, donc il y a l’un de vous deux qui y va ou… ?

Sylvain : Non ! Par contre, on a une de nos collaboratrices qui est anglaise, qui est avec nous depuis 2 ans et qui part s’installer à Londres. Après, nous, on va y aller une petite semaine chaque mois et on y enverra aussi chacun de nos collègues français une semaine par mois. Donc, en gros, chacun ira une semaine par an dans le bureau à Londres pour faire du télétravail et pour bosser avec nos collaborateurs anglais.

Du coup ils deviendront des gens qu’on connaît bien et avec qui on se sent bien et qu’ils se sentent moins loin de nous en fait. C’est un des trucs qu’on a trouvés pour se rapprocher d’eux.

Naier : Excellent ! Écoute, on refera un point d’ici peut-être une année pour voir où vous en êtes…

Sylvain :… de nouvelles erreurs et aux ajustements qu’on a pu faire.

Le moment des temps forts

2 minutes qui ont tout fait basculé

Naier : Là-dessus, Sylvain, on va passer à un deuxième moment de l’interview. C’est le moment des temps forts : quel a été le pire moment de ton parcours en tant qu’entrepreneur et comment tu as fait pour rebondir ?

Sylvain : Le pire moment, je crois, c’est le jour de la prononciation de ma liquidation en juin 2009, où le juge a ouvert mon dossier. Ça représente 6 ans de boîte, trois salariés, un brevet mondial, du stock et des clients un peu partout dans le monde.

Il a ouvert mon dossier, j’ai eu l’impression que ça a duré moins de 30 secondes. Les gens dans la salle m’ont dit 2 minutes. Il a regardé rapidement, il a feuilleté le truc, il m’a posé la question suivante : « monsieur Tillon, je ne vois pas trop de solutions, est ce que vous envoyez une ? »

J’ai haussé les épaules et il a tapé le marteau en disant : « c’est fini, je prononce la liquidation, je vais nommer un liquidateur qui va être chargé de récupérer l’argent et de payer vos débiteurs. Je vais nommer un commissaire-priseur qui, lui, va valoriser vos actifs, votre stock, votre brevet et qui va les vendre.

Vous n’avez plus le droit de rentrer dans vos bureaux, de répondre au téléphone et de toucher au compte bancaire, ça appartient à l’État. C’est nous qui gérons à partir de maintenant. »

Et 6 ans de ma vie qui sont écroulés en 2 minutes, suivi d’une procédure qui dure un an, avec des questions de tous les jours. Un stress permanent ! Même si vous avez été nickel, moi je me suis très peu payé, j’ai laissé du compte courant. Enfin, j’ai tout bien fait. Même à la fin, il reste de l’argent sur leur compte pour pouvoir bien finir.

C’est une situation de stress horrible et un sentiment d’échec personnel très fort, même si ce n’est pas toujours lié à soi. On se pose des questions de qu’est-ce qu’on sait faire, de qu’est-ce qu’on vaut, à quoi on sert, qui sera assez con pour nos embaucher ou nous faire confiance pour la suite ?

Ouais, là il a eu un moment vraiment pas facile et ce sont des copains qui a déjà planté plusieurs fois qui m’ont aidé, qui m’ont levé le matin pourquoi j’aille chercher du boulot avec eux puisqu’eux aussi étaient à la recherche d’emplois, qui m’ont rassuré comme quoi c’était presque normal d’échouer, que je n’avais rien fait de mal, que j’avais tout donné, que je pouvais me regarder dans un miroir comme quoi j’avais tout essayé.

J’avais fait plein d’erreurs mais pas en cherchant à arnaquer qui que ce soit. Ils m’ont aussi aidé à les mettre sur papier pour prendre du recul, pour essayer de mieux les comprendre et de mieux les anticiper pour les prochains projets. Voilà comment j’ai réussi à me sortir de ce set, de cette phase pas très marrante.

Deux bons souvenirs

Naier : Waouh ! À contrario quel a été ton plus beau moment ?

Sylvain : Il y en a plein ! Le premier c’était en mars 2006. Je vois une femme dans le métro à Lyon porter mes bijoux pour cheveux. Je lui cours après, elle court aussi parce qu’elle a peur, mais j’ai trouvé ça incroyable de voir pour la première fois de ma vie quelqu’un d’autre que ma chérie où ma maman portait mes bijoux.

Donc quelqu’un qui avait vraiment payé pour porter ces trucs et vraiment c’était un moment où j’étais très heureux.

Le deuxième souvenir, comme ça, facile, c’était le 24 février 2012. Notre première vidéo « Dessine-moi l’éco » est diffusée sur lemonde.fr en une du site. C’était un accomplissement, mais tu n’imagines même pas à quel point je pourrais être fier de produire un jour quelque chose qui était en une du Monde et, qui est l’un des plus beaux médias français, qui était complètement inaccessible pour moi.

Ce ne sont que des stars qui écrivent là-dedans, eh ben, ce jour-là j’étais la star, j’étais, ah… ! Les gens ne savaient pas puisqu’il n’y avait pas mon nom ni rien, mais j’étais trop fier, donc voilà.

Quelques moments après, il y a eu beaucoup de moments positifs. De toute façon, c’est aussi une règle perso, si je perds le sourire le matin en allant au travail, c’est-à-dire qu’il faut que je fasse autre chose.

Pour l’instant, je l’ai tous les matins et même quand je dors peu, même quand je suis crevée, même quand c’est dur, mais j’y vais avec le sourire, parce que, déjà, j’adore mes collègues, parce que je sais qu’on progresse tous les jours, j’apprends tout le temps. On a plein de nouveaux défis et je suis convaincu par l’équipe qu’on a pour atteindre nos objectifs.

L’interview top 5

Livre ou blog ?

Naier : Super, excellent ! Sylvain, on va clôturer avec ce que j’appelle le top 5. Quel est le livre que tu recommandes ?

Sylvain : je ne lis pas.

Naier : Ou un blog ou…

Sylvain : Un blog, c’est celui de guilhembertholet.com qui est un mec qui a échoué 6 fois. Là, il est dans une boîte où il marche très bien. Il a vraiment pris du recul sur ses échecs et il écrit d’une façon passionnante sur l’entrepreneuriat et sur :

  • Comment faire une étude de marché ?
  • Comment s’associer ?
  • Quelles sont les questions à se poser ?
  • Comment bien vendre ?

Il a une plume qui est ultra agréable à lire.

Naier : Quel est l’entrepreneur que tu suis ou dont tu es fan ?

Sylvain : Il y en a plein. Lequel je suis, dont je suis vraiment fan ?

Un gars qui m’éclate c’est le fondateur de Pipedrive : Ragnar Sass qui est Estonien et qui a fait un produit mondialement connu, utilisé est reconnu pour sa simplicité et le plaisir à l’usage alors que c’est un outil de gestion.

Naier : C’est ce que vous utilisez chez Tilkee ?

Sylvain : C’est ce qu’on a utilisé pendant 4 ans. Et là, on vient de passer sur Salesforce, mais ça restait un produit que j’aime beaucoup. Pipedrive et ce Ragnar Sass a une façon de présenter les choses qui est très agréable et une humilité assez folle par rapport à son succès.

Une application pas tout à fait clean

Naier : Ton outil en ligne préféré ?

Sylvain : Lusha, mais il ne faudra pas le dire trop fort parce que c’est totalement illégal.

Naier : Ça permet de faire quoi ?

Sylvain : Sur une fiche LinkedIn, ça vous sort le numéro de portable de quasiment tout le monde sur la planète. Du coup, vous pouvez contacter quelqu’un que vous n’arrivez pas à joindre. Grâce à Lusha, vous avez son numéro de téléphone.

C’est complètement dingue, ça fait complètement flipper. D’ailleurs, vous pouvez vérifier si Lusha à votre numéro.

Souvent ils l’ont. Et ça, vous ne voulez pas trop savoir comment ils les ont récupérés. Mais, ils ont racheté des bases acquises sur Dark Web parce qu’en 2012, 2013, 2014, LinkedIn et Facebook étaient peu sécurisés, et tout le monde avait mis son numéro de téléphone sur ces outils-là.

Des gens ont réussi à tout récupérer et aujourd’hui vous revendre ces numéros. Et le pire, c’est qu’ils sont juste. Cela fait peur hein ! Vraiment… ah bah tiens, je vois le tiens d’ailleurs. Tu as été traqué par Lusha. Il t’a pris ton Gmail, il y a un fixe et un portable.

Naier : Eh bien !

Sylvain : Alors qu’on n’est pas encore connectée sur LinkedIn, je suis en train de t’ajouter, et j’avais déjà accès à ton numéro de téléphone potentiellement, voilà !

Le produit parfait n’existe pas

Naier : D’accord, excellent ! Ton premier conseil pour quelqu’un qui aimerait se lancer aujourd’hui ?

Sylvain : Saute, n’attend pas que tout soit prêt.

En gros : lance un proto, tant pis s’il est moche, tant pis s’il n’est pas fini, tant pis s’il ne répond pas à tous les cas d’usage. Teste-le pour trouver l’usage pour lequel tu l’as fait devenir indispensable puisqu’en fait, imaginer le produit parfait relève de l’impossible. Je connais peu de gens qui ont réussi à le faire en tout cas.

L’idée c’est plutôt de dire : « ben j’essaye et on verra ce que ça donne », et lancez-vous. De toute façon, il n’y a que vous qui êtes suffisamment taré pour y croire. Tout le monde vous dira que ça ne marchera pas et c’est normal. Mais avec cette façon-là, au moins, vous pouvez essayer, prendre confiance en vous et, justement, d’identifier le truc où tout le monde vous dira : « bah oui c’était évident, c’est ça qu’il fallait faire ».

Ouais, sauf que je suis seul à l’avoir fait. Du coup, ce sera vous qui serez le seul à l’avoir fait en fin de compte.

Un investissement peu commun qui contribue à instaurer une bonne ambiance chez Tilkee

Naier : Le meilleur investissement que tu as réalisé pour faire croître ton business. Ça pourrait être un investissement en termes de temps, de moyens humains, de moyens financiers, un produit ou un service ?

Sylvain : C’est une machine à eau gazeuse dans les bureaux qui fait que maintenant tout le monde est content de venir le matin, même en été. Et tout le monde a le sourire en disant : « cool, je vais pouvoir me désaltérer au bureau ».

C’est très con, mais c’est un truc qui a eu un impact incroyable sur les collaborateurs et sur le sourire quotidien.

Naier : Excellent ! Sylvain, merci de nous avoir accordé cette interview. Est-ce que tu pourrais dire à nos auditeurs où est-ce qu’ils peuvent eux te suivre ?

Syvlain : Je suis très LinkedIn et Twitter où je partage un peu tout notre quotidien et toute notre vie donc c’est le plus simple. Vous me retrouverez à @sylvaintillon sur les deux réseaux.

Naier : Merci Sylvain, à bientôt !

Sylvain : À très bientôt, merci !

Naier Saidane

Naier Saidane

Blogueur, Podcasteur & Coach Entrepreneuriat

Naier est blogueur et expert en business en ligne. Rejoignez Naier et 53k lecteurs mensuels de L’Entrepreneur en vous pour construire, développer et monétiser votre business en ligne.

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