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Aujourd’hui je reçois Fabrice des Mazery évangéliste produit et growth, co-fondateur de La Product Conf et CPO Thiga.
Fabrice partage avec nous son parcours entrepreneurial, depuis ses débuts, le crash de sa 1ere startup mais aussi la réussite et la revente de 2 startups à HAVAS et à la NASA.
Dans cet épisode du podcast, vous allez découvrir :
- Comment Fabrice a réussi à rebondir après son premier échec
- Le secret de la réussite de sa 2e startup
- Comment il a créé InnerCode et comment il l’a revendu à la NASA
- Pourquoi il a repris un poste de salarié après avoir revendu sa startup
- Quels sont les facteurs clés pour réussir à créer un produit numérique
- Le métier du product manager et du product owner
Dans cet épisode vous allez découvrir
- 2:32 : Son tout premier business.
- 4:55 : Comment Fabrice a rebondi après l’échec de son premier business.
- 29:01 : Pourquoi il a décidé de reprendre un poste de salarié
- 44:55 : Le meilleur canal marketing qu’il utilise pour faire connaitre son business.
- 54:28 : Les prochaines étapes clés de la croissance de ….
- 56:04 : Le pire moment de son parcours d’entrepreneur et comment il a fait pour rebondir.
- 57:18 : Le plus beau moment dans son parcours.
- 57:58 : Les livres qu’il recommande.
- 58:18 : Les Entrepreneurs qu’il suit.
- 58:57 : Son outil en ligne préféré.
- 59:47 : Son 1er conseil pour quelqu’un qui aimerait se lancer aujourd’hui.
- 1:01:03 : Le meilleur investissement qu’il a réalisé pour faire croître son business
Ressources mentionnées
Les Livres qu’il recommande
- Inspired de Marty Cagan
Les entrepreneurs qu’il suit
- Jason Fried
- Ryan Singer
Son outil en ligne préféré
- Slack
- Kindle + Evernote
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- Fabrice sur LinkedIn
Les débuts de Fabrice
Naier : Fabrice, est-ce que tu es prêt à nous révéler l’entrepreneur qui est en toi ?
Fabrice : Oui, je vais essayer en tout cas.
Naier : Excellent ! Aujourd’hui, j’accueille Fabrice des Mazery. Fabrice est, tenez-vous bien : évangéliste produit et growth, fondateur de plusieurs startups dont 2 qu’il a vendu à Havas et à la Nasa; business angel et fondateur de La Product Conf.
Fabrice : C’est ça !
Naier : Excellent ! Fabrice, avant parler de tes business actuels et de La Product Conf, j’aimerais qu’on remonte le temps et qu’on s’intéresse un peu à temps parcours personnel. Est-ce que tu te rappelles du tout premier projet ou business que tu as fait ?
Fabrice : Le tout premier projet, ce n’était pas un business. J’étais en sixième pour te dire à quand ça remonte. Et je voulais absolument créer une association écologiste. Si tu veux, il y a cette espèce d’épiphanie à cet âge-là où tu te dis quand même que les adultes font n’importe quoi. Et je l’avais appelée : « Génération écologie ».
J’étais le président, secrétaire, trésorier et membre unique de mon association. Et ils ont repiqué mon nom derrière.J’aurais dû le déposer, j’aurais peut-être fait de l’argent. Là, c’était mon premier projet qui n’a pas donné grand-chose pour être franc.
Naier : D’accord ! Fabrice, après tes études tu t’es tourné rapidement vers l’entrepreneuriat. Pourquoi avoir choisi cette voie ?
Fabrice : Par hasard. En fait, j’ai arrêté mes études. Je faisais du droit et de l’anglais. Et je ne trouvais pas beaucoup de sens dans ce que je faisais. Je voyais tout à fait ce que ça pouvait donner en termes de carrière.
J’avais des gens autour de moi qui étaient donc juridiques de façon générale. Mais il n’y avait rien qui résonnait, si tu veux. Et je suis parti faire un stage à ce moment-là pour comprendre un peu plus ce que c’était qu’être potentiellement avocat.
J’ai réussi à avoir un stage dans le plus gros cabinet d’avocats du monde qui s’appelle Baker McKenzie. Et je n’ai pas du tout découvert que je voulais être avocat, vraiment pas du tout hein ! J’ai surtout découvert qu’ils stockaient énormément de papiers, que finalement le papier a encore un énorme rôle aujourd’hui. Il y avait quand même quelque chose à faire. Et j’étais déjà assez geek, il faut l’avouer.
Il y a quelque chose à faire sur la gestion documentaire. Quelque chose à faire pour éviter que certains papiers, par exemple, n’arrivent pas à temps. Et l’idée du concept business, c’est de dire : « attends, si on devient l’acteur principal de la documentation dans ce type de cabinets d’avocats, est-ce qu’on ne pourrait pas faire de l’échange électronique de documents. Donc de la signature électronique ? Et on pourrait même reconnaître le type des documents ! »
On était en 2002, autant te dire que technologiquement on était loin de pouvoir faire ça. Sauf que moi je ne le savais pas. J’ai fait du droit, autant te dire que la partie tech, si tu veux, je voyais tout à fait ce que pouvait donner la tech, de comprendre les limites de la tech à l’époque. Je n’avais pas forcément cette culture-là. Et c’est pour ça qu’on a lancé cette première boite.
Je suis allé voir des gens de… bon, j’étais à Cergy Pontoise à la fac. Je venais voir des gens de l’IUT qui venaient de finir leurs études en leur disant : « ça ne vous dirait pas de monter une boite ? » En 2002, donc après le krach, au moment où personne ne parlait de startup, on n’avait aucun argent pour les startups.
Il y avait 2 – 3 incubateurs qui se battaient en duel avec des gens qui n’avaient jamais monté de boites. Donc on y est allé avec beaucoup d’innocence – peut-être un peu trop – et on s’est complètement viandé, voilà. Il paraît que c’est comme ça qu’on apprend, ça. Bon, j’ai appris, pas de problème.
Comment Fabrice a réussi à rebondir après son premier échec
Naier : Et comment on rebondit justement ?
Fabrice : On rebondit en faisant un bilan. J’ai fait le bilan des erreurs que j’ai faites. Et j’ai mis un petit peu de temps, surtout quand tu as ces âges-là hein ! En 2002, moi j’avais 21 ans, donc à 22 ans et demi on arrêtait la boite. On a eu cette intelligence.
Naier : Ça a duré un an et demi ?
Fabrice : Un an et demi et on a eu cette intelligence de l’arrêter. Pourquoi ? Je pense qu’on s’est tous dit que ça ne valait pas le coup, on a pris des coups sur la tête. On aurait pu tomber amoureux du fait d’être entrepreneur. Et de pouvoir dire : « mais regardez papa maman, si j’ai arrêté, c’est pour devenir entrepreneur et ce n’est pas un gâchis ».
Et on n’est quand même pas encore, dans la culture française, dans cette notion d’échec. Tout le monde en parle, c’est l’une des problématiques de l’entrepreneuriat. Mais, même si, philosophiquement, on peut en parler, la cellule familiale, vis-à-vis de ce genre d’échec, c’est difficile de le justifier.
Donc, c’est facile de s’enfermer dans le mythe des entrepreneurs, de celui qui va changer le monde. En sachant finalement que c’est une fuite en avant parfois. On a eu cette intelligence, je crois, à ce moment-là. Je ne suis pas sûr qu’on se rendait compte qu’on faisait ça de façon intelligente. Mais, bon, on était juste désespéré.
Et à posteriori, c’était une décision plutôt intelligente. J’ai eu l’occasion de parler de mon échec à l’Adie. C’est une association qui encourage l’entrepreneuriat particulièrement par des chômeurs. Et je suis venu parler de mon échec, voilà. Je suis peut-être venu pour exorciser les choses. En me disant que je n’avais pas compris qu’il y avait une différence entre celui qui achetait et celui qui utilisait.
À l’époque, on ne parlait pas d’user experience. Et c’est quelque chose que j’ai complètement raté de mon côté. Je n’ai pas compris que les bénéfices pour un CFO d’un cabinet d’avocats n’étaient pas les mêmes que pour un avocat tout court. Et que l’avocat, bah, il ne changeait pas d’habitude s’il ne voyait pas de bénéfices. Et ça, je l’avais complètement raté.
Je suis venu parler de ça et, à un même événement. Il y avait un créateur d’entreprise qui avait créé une agence de com à l’époque. Ce créateur d’entreprise venait parler de lui et de sa réussite. Il était passé par le chômage et il avait su rebondir. Mon discours lui a plu. Et il m’a dit : » écoute, moi je fais du print et de l’événementiel, mais surtout du print.
Je vois bien les limites du print aujourd’hui. Je sais que dans 5 ans, dans 10 ans, il y aura un mouvement de concentration, qu’on risque de disparaître. Et soit je m’y mets dedans maintenant et je pars à Tahiti, soit je me lance dans quelque chose d’autre.
J’aime bien ta vision de la technologie. Est-ce que ça te dit que je t’aide à monter finalement un truc spécifique dans la com digitale qui soit un peu différente ? » Et ça a été une opportunité et, bon, ben j’avais rien d’autre. Donc, allez, on y va ! Et ça a été la deuxième boite qui s’appelait Digital Launch.
Ce n’est pas appelé Digital Launch tout de suite. Mais sur laquelle on s’est spécialisée dans le lancement digitale de produits en mode luxe-beauté. Donc pas du tout des sites corporates. On était vraiment sûr : « je vais vous donner un écrin digital à la hauteur de votre produit ».
Et on l’a fait à son itérative, c’est-à-dire qu’on a été présenter des choses à de vrais utilisateurs. On prenait des feedbacks et itérait. Ce qui était totalement nouveau dans la com à l’époque. La plupart des agences de com vendaient du rêve et des concepts.Nous, on vendait des choses qui marchaient. Et c’est ça qui a fait qu’on a réussi à se développer et à vendre la boite à Havas en 2007.
Le secret de la réussite de sa deuxième startup
Naier : D’accord ! Et on se base sur quoi pour mettre en avant un produit dans le monde du luxe à ce moment-là ?
Fabrice : Il faut réussir à penser à ce qu’on appelle l’illusion de propriété. L’illusion de propriété, c’est faire que les gens se projettent dans l’utilisation d’un objet ou d’un service. Alors qu’ils ne l’ont pas encore. C’est ce que font très bien des gens comme Apple. Quand ils te vendent une expérience, ils ne te vendent jamais du hardware. Ils ont toujours vendu de l’expérience depuis la pub de 1984 qui est la plus connue.
Ils n’ont même pas montré de produits, ils ont montré une façon de vivre. Tu as la même chose sur les vacances, tu as la même chose sur Airbnb. Pourquoi on se projette plus dans un appartement, par exemple, qu’un autre ? Ce sont souvent les photos qui font la différence.
C’est comme il y a une grande histoire sur des produits gloss sur des photos d’Airbnb ; des photos professionnelles prises. Mais tu vas sur seloger.com, tu vois 2 appartements. Ce sont les mêmes mais les photos te donnent l’impression que ce ne sont pas du tout les mêmes.
Mais il y en a un qui est magnifiquement pris, l’autre, il est pris un jour de novembre à contre-jour avec un salon qui n’est pas rangé tu vois ? Ça fait toute la différence. Et donc, le but c’est d’arriver à se projeter et d’essayer de créer cette interaction de façon la plus réaliste possible.
Donc plutôt que d’avoir une photo d’un produit. Si on peut faire comme si on le manipulait, si on peut voir le résultat, forcément ça a plus d’impact. Tu t’imagines plus en propriété de l’objet. C’est comme ça qu’on a beaucoup joué, si tu veux.
Et c’est vrai que ça tu approches-là, je pense que beaucoup de gens de la pub comprennent le concept. Mais ils ne savent pas l’utiliser en digital. Donc c’est essentiellement là-dessus qu’on a fait notre croissance.
Naier : D’accord ! Et après cette vente justement qu’est-ce que tu fais ? On déprime de nouveau ou on repart en vacances ?
Fabrice : Les vacances, je ne sais jamais trop su ce que c’était. J’ai beaucoup de mal à prendre des vacances. Ma DRH me tape dessus à chaque fois parce que je ne prends pas assez de vacances. En fait, il y a eu un double mouvement. Quand tu es entrepreneur aussi jeune, tu développes quelque chose que tout le monde connaît qui s’appelle « le syndrome de l’imposteur ».
Quand j’ai vendu la deuxième boite, on a vendu la totalité de la structure. Donc Digital Launch et la partie print. Ça a été une opportunité. À cette époque-là, c’était via Euro RSCG. Mais c’est le groupe Havas qui cherchait à se renforcer sur le digital et ils ont beaucoup fait d’acquisitions externe.
Je savais que je n’avais pas ma place chez Havas ou derrière. Clairement, je ne me voyais pas… et ils me l’ont dit clairement d’ailleurs : « on ne sait pas trop où on te mettrait. Soit tu prends les gros chèques, soit tu prends de plus petits chèques, on te garde. Mais toi-même, tu vas partir. On va être très franc : tu ne trouveras pas ta place ».
Et ce syndrome de l’imposteur, je l’ai développé. Je me suis retrouvé à gérer plusieurs personnes à être manager. À avoir des concepts qui fonctionnaient sans forcément comprendre pourquoi. Donc j’ai beaucoup lu. Je me suis énormément documenté sur l’UX. C’est déjà la base à l’époque, mais je m’entoure de tous ces… parfois des biais cognitifs sur lesquels on jouait, et des limites de ce qu’on avait le droit de faire.
On va revenir au côté écolo éthique, tout ça, ça revient un peu à ça si tu veux. Et, il y a eu ce côté de se dire : « en fait, je ne sais pas ce que je fais. Je le fais, mais je ne sais pas pourquoi ça marche. Donc, je ne sais pas ce qui fait que je m’améliore avec le temps. J’ai besoin de comprendre. J’ai besoin de formaliser les choses ».
Et dans mon idée, c’était : » ben maintenant que j’ai vendu, j’ai un peu de temps, reprenons des études ». J’avais arrêté aux DEUG à l’époque, licence 2 pour les plus jeunes qui nous écoutent. Et je me suis dis : « bon, ben maintenant, il me faut une licence 3, la réforme était passée et ça va m’ouvrir des possibilités ». Donc, j’ai repris des études de droit à distance à l’époque. J’ai eu ma licence de droit.
Naier : De droit hein ! Pas de l’UX ou autre chose ?
Fabrice : De droits parce que j’avais déjà mon DEUG et je ne voulais pas repartir de zéro. Je voulais partir avec la possibilité d’avoir une passerelle.
Je me suis dit : tant qu’à faire autant formaliser des pratiques du côté juridique. Ça me sera toujours utile -ça l’est toujours hein. Quand j’ai acheté mon appartement, mon banquier s’en souvient – et je me suis dit : à partir du moment où j’ai ma licence, je peux faire ce que je veux d’une certaine façon. Donc j’ai passé des concours.
J’avais peu de temps puisqu’on était en train de vendre la boite hein ! Donc j’ai dû trouver des concours. Et je me suis dit : qu’est-ce qui va m’apporter le plus de formalisation ? Il n’y avait pas vraiment de cours d’UX à l’époque. C’étaient des cours de design, mais je n’étais pas designers. Je n’avais pas forcément ce qu’il fallait de base.
Donc me suis dit : « bon bah le commerce ». J’ai passé des concours d’écoles de commerce. Je n’en ai pas fait beaucoup parce que je n’ai pas le temps. Et je voulais absolument travailler. Donc j’ai choisi les écoles qui me permettaient d’être apprenti.
J’ai signé mon contrat d’apprentissage, justement, j’avais 26 ans, chez IBM. Ils m’avaient offert un poste qui n’était pas du tout un poste d’apprenti. Mais ça tombait pas mal. Ils cherchaient quelqu’un, je parlais anglais et ils cherchaient quelqu’un qui travaille en anglais.
Moi, ça me permettait de voir mes études en partie payées. Ça me permettait d’avoir un salaire, de continuer à bosser et de ne pas couper pendant 2 ans et demi. Donc j’ai signé. Et je suis allé faire Sup de Co Reims qui est devenu Neoma depuis.
Naier : D’accord, ok excellent ! Et après cette petite parenthèse études ?
Fabrice : Après cette parenthèse étude, on se retrouve début 2010. Je finis mon mémoire que j’ai fait sur les handicaps et il m’est arrivé quelque chose qui est arrivé à beaucoup de gens à priori. Ma copine m’a largué,voila. Et il y a eu une réaction très épidermique qui est de dire : « bon bah écoute, je m’en vais, voilà ! C’est peut-être un signal. On est en 2010. Je ne vois pas forcément ce que je peux faire en France.
Où est-ce que je pourrais aller ? À Londres, je parle anglais, j’ai un tout petit peu de famille là-bas ». Et je suis parti comme ça sur un coup de tête si tu veux. Et ça a été un peu par hasard que j’ai rencontré l’associé de ma troisième boite, Peter, via la jeune chambre économique française là-bas. On a monté entre 2010 et 2014.
Comment il a créé InnerCode et comment il l’a revendu à la NASA
Naier : InnerCode… alors ça fait quoi justement parce que c’est un peu mystérieux comme ça ?
Fabrice : InnerCode, c’est complexe si tu commences à creuser à la partie scientifique. C’est relativement simple si tu prends du côté usage. Au niveau scientifique tu as 2 parties globalement dans ton système nerveux . Tu as un système nerveux central et un système nerveux qu’on appelle autonome.
Le système nerveux central, c’est tout ce qui est au niveau de la conscience. Globalement ce sont toutes les décisions que tu vas prendre. Ces décisions-là, elles sont impactées par un truc qui s’appelle système nerveux autonome. Ce système nerveux est un peu le pilote automatique de ton corps. Il va gérer globalement tout ce qui va être tous les sphincters de ton corps. Donc tes valves cardiaques par exemple. Mais aussi tout ce qui va être hormones neurotransmetteurs, on va dire.
Donc, ce qui fait que tu te sens stressé, par exemple, c’est parce qu’il y a une émission de cortisol. Ok, c’est aussi bête que ça. Ce qui fait que tu vas vouloir t’attacher à un personnage dans un film, c’est parce que tu émets de l’ocytocine. Tout ça, c’est géré au niveau du système nerveux autonome.
Donc, le système nerveux autonome, il gère les émotions que ton cerveau va réinterpréter en sentiments. C’est la différence entre les émotions et les sentiments. L’émotion est physique, le sentiment est psychologique. Dans ce système nerveux autonome, tu as évidemment énormément de datas. Tu as énormément d’informations sur : comment fonctionne ton corps au niveau physique et psychologique. Mais, par définition, c’est une boite noire.
Il s’appelle « autonome » parce que, justement, il ne va pas venir perturber ton cerveau. En fait, toutes les informations qui sont là-dedans, le cerveau ne les connaît pas. Sinon, ton cerveau exposerait. On a déjà suffisamment de data prises à l’extérieur. Si, en plus, tu gérais ça, c’est fini, tu ne peux plus faire quoi que ce soit. Tu n’as plus de temps de calcul disponible si tu veux.
Ce qui veut dire que si tu arrives à accéder à ces informations-là, du côté médical, par exemple, tu peux gérer de l’addictologie. Tu peux détecter de l’Alzheimer précoce. On peut réussir, par exemple, à savoir si un gamin est psychologiquement incapable de calculer parce qu’il est traumatisé par un prof de maths. Et qu’en gros, la partie qu’il devrait calculer dans son cerveau est en train de pédaler dans la semoule. Il est purement sur de l’émotionnel.
D’arriver à aller derrière ça, tu pourrais presque savoir ce que ressent un chat ou faire parler un bébé. Parce que tout ça est géré au niveau d’un système qui est inaccessible au cerveau. Si tu le rends accessible, tu peux débloquer tout ça. C’est ça qu’on a fait en fait.
Ça peut paraître bizarre, ça peut paraître complètement dingue. Mais ce système nerveux autonome, il a un impact direct sur le cœur. Il a une forme de balance entre le cœur et le système nerveux autonome. Chaque micro changement de rythme au niveau ton cœur est une information.
Si tu veux, les gens parlent de heart beats en anglais. Ce serait à la limite des heart bits, ce sont les beats d’informations. Il faut réussir à les décoder, à faire du pattern matching pour comprendre « les comportements de ton corps » et comment leur donner du sens. Donc tu transformes un signal en data, un data en insight. Et derrière il faut que ce soit actionnable.
La grosse difficulté, ce n’est presque pas la partie technique. Ce n’est pas facile, mais, accéder à ces données-là, ce sont des changements de rythme cardiaque. On va faire des transfos relativement classiques et on va en tirer un certain nombre de patterns. Nous ferons du pattern matching et en sort des datas qu’on est capable d’interpréter. Ce qui est difficile c’est d’arriver à trouver de bons marchés.
En gros : est-ce que tu commences par la santé? Mais la santé c’est quand même beaucoup de gens qui sont des Knowers. Il y a des gens qui considèrent qu’ils connaissent déjà suffisamment de choses. Donc ils ont du mal à penser potentiellement qu’ils font quelque chose – pas de mal – mais que, pendant des années, ils avaient des informations, qu’ils pouvaient penser ne pas accéder ou qu’ils déduisaient. Et, soudainement, tu viens leur dire : « en fait ce n’est pas du tout ça – en fait vous êtes complètement trompé ».
Dans le sport, ils regardent la moyenne du rythme cardiaque mais pas les écarts réellement. Donc tu leur dis : « tu vises le cœur, mais, en fait, tu n’as rien compris ». Alors, on ne le dit pas comme ça. Mais c’est comme ça qu’ils le reçoivent.
Donc, il y a des gens qui ont une hostilité à l’algorithme. Et ils te disent : « si tu commences à mesurer, où est-ce que ça va s’arrêter ? » Évidemment il était très important pour nous la partie éthique. Tu as des gens qui vont, au contraire, venir voir leurs intérêts là-dedans.
On a des gens qui nous ont rapprochés pour dire :
- « en gros, vous êtes capable de gérer de l’immersion ? »
- « Oui, on est capable de savoir si tu es en plein état d’immersion, ce qu’on appelle l’état de flow ».
- « Ok, on aimerait bien coupler ça à des jeux vidéo ».
- » Pourquoi pas, c’est intéressant et dans quel but ? Dans le but de mettre les gens en immersion ? En immersion, c’est un état plaisant ».
- « Ah non, on voudrait qu’ils soient addicts ».
- « Addict ? Donc, vous êtes en train de me dire que vous voulez que je crée une drogue virtuelle ? »
- « Non, ce n’est pas ça, mais, vous comprenez ! »
- « Oui je comprends tout à fait ce que vous voulez faire.
D’ailleurs, on va vous dire non tout de suite parce qu’on a une éthique ».
Et ce sont des gens qui, derrière, nous ont menacés. On a eu des bureaux qui ont été fracturés, des attaques informatiques… enfin, c’est un monde dans lequel… effectivement… quand tu ouvres ce genre de boite de pandore, tu prends des risques.
Et derrière, on a beaucoup itéré. On s’est trompé, on a eu des marchés dans lesquels on pensait qu’on avait ce que le Lean startup appelle un produit market-fit. Mais on n’avait qu’un problème solution-fit. On avait un intérêt, des gens voyaient ce qu’ils pouvaient en faire.
Nous étions sûr du diagnostic vital pour des vétérinaires. Et eux, ils voyaient très bien la capacité de dire : « avant une opération, est-ce que j’opère ou pas ? Est-ce que ça vaut le coup d’opérer ? Et derrière, si j’opère, quel est le diagnostic vital ? »
Le problème c’est qu’ils voyaient l’intérêt pour de la qualité de ce qu’ils faisaient. Mais quand tu commençais à creuser en disant : « mais finalement, quelle valeur ça a ? » Et que tu creuses la partie risque : « si vous ne m’avez pas, qu’est-ce qui risque d’arriver ? » Les gens te disent : « mais en fait si je tue votre chat, vous n’allez pas demander une autopsie ; personne ne va demander une autopsie.
Donc, finalement, je ne risque pas d’être attaqué demain devant les tribunaux » – peut-être aux États-Unis – mais, en tout cas, pas en France. Je leur donne le moyen d’avoir plus d’informations. Mais ça n’apporte pas plus de chiffres d’affaires.
En gros, oui il y a des gens qui pourraient être intéressés par la beauté de l’art. Mais tu n’auras jamais un marché sur lequel tu vas pouvoir te développer. Et donc, ça, pareil, un gros sur la tête. Ça a été un peu un hasard qui a fait qu’on cherchait des gens capables de faire exactement les capteurs qu’on voulait.
Des gens qui étaient des capteurs, qui étaient suffisamment peu encombrants, avec une capacité de batterie suffisante et qu’ils ne soient pas gênants. Dans le sens gênant il y a deux choses dans la partie gênante. Il y a le côté encombrant tout court, mais simplement qu’on puisse l’oublier.
Et, en même temps, que nous, on soit capable de gommer les artefacts qui sont dus aux mouvements, que ce soit au niveau physique : les frottements potentiels. Mais aussi, et surtout, au fait que lorsque tu bouges, ton cœur a un changement d’activité.
Donc, il fallait qu’on gomme ça, un petit peu avec un accéléromètre et un gyroscope et autre… pour être capable d’avoir une information qui était fiable. C’était compliqué à faire hein ! Et donc, on a un peu fait le tour du monde pour trouver des gens capables de faire des capteurs.
On est allé, par hasard, voir des gens de Philips à Eindhoven. Nous leur avons fait une démonstration avec un jeu vidéo et ils ont été sciés. Et ils nous ont dit : « est-ce que ça vous dirait de travailler avec la Nasa ? » Autant te dire que quand on te dit ça, tu te dis : « il se fout de moi le Batave-là ». Ils ne sont pas connus pour leur humour à la base. Donc tu te dis : « oui, il y a un truc ».
En fait, ils avaient travaillé avec la Nasa. Ils avaient fait un capteur. Et à l’époque ils nous disent : » écoute, ils ont des vraies problématiques au niveau de l’entraînement parce que l’entraînement n’est jamais réaliste – donc savoir s’ils sont dans des vraies conditions ».
Donc est-ce qu’on est capable de saisir leurs capacités ? Mais surtout, si on les envoie sur Mars, il y avait, quand même, à l’époque, cette volonté-là. On les envoie pour un an et demi de voyage, il y a énormément de choses qui se passent dans l’espace. Le problème, c’est qu’ils ont un complexe de superhéros ces gens-là. Donc ils n’ont pas de failles.
Comment tu arrives à savoir qu’ils sont physiquement et psychologiquement capables de prendre une décision critique, par exemple : ce docker sur l’ISS. Mais aussi simplement choisir : est-ce qu’on y va ? Est-ce qu’on n’y va pas ? Quel type de choix on va faire sachant qu’un an et demi de voyage, mais aussi, sur mars x mois.
S’ils ont besoin d’aides – tu le vois dans tous les films de sciences fiction – donc dire, est-ce qu’on est capable d’avoir ces informations-là pour l’astronaute et pour le centre de contrôle. Et donc ça a vraiment été sur ces problématiques qu’ils se sont dit : « on aimerait développer ça ensemble.
Est-ce que vous accepteriez, par un montage hyper compliqué, qu’on puisse avoir votre produit ? » Avec, de l’autre côté, un engagement que si ça donnait quelque chose, ils protégeraient les données. Et qu’ils permettraient un développement dans d’autres marchés, mais contrôlé. Et c’est là-dessus qu’on a eu cette promesse d’achat qui a duré un an de process pour se faire racheter par la Nasa.
Naier : Moi, je vais remonter au début de l’aventure puisque le principe semble vraiment compliqué. Comment vous avez eu l’idée ?
Fabrice : Alors il y a eu un mélange. La première idée vient de mon associé. Il a eu un cancer il y a une grosse dizaine d’années maintenant. Et un de ses amis est venu le voir avec un capteur et un bouquin en lui disant : « écoute j’ai trouvé un truc génial. Je ne sais pas trop ce qu’on peut en faire ».
Mais, vu que mon associé est extrêmement curieux il lui dit : » au moins ça t’évitera de regarder les mouches voler quand tu es à l’hôpital ». Et c’était un capteur de variabilité cardiaque. Il s’est passionné dans le domaine. Il avait son ordinateur, il a commencé à regarder, il y avait 40 000 papiers de recherches. Mais c’étaient des papiers de recherches, c’est-à-dire des choses totalement inapplicables.
Par exemple de la recherche sur : « est-ce que tu as mal quand tu t’allonges sur un lit à clous ? » Ou : « si tu mets un cheval au milieu d’un terrain de polo, que tu mets 2 personnes à chaque extrémité, il y en a un qui médite et l’autre qui ne médite pas, est-ce que le cheval va plus vers celui qui médite ou qui ne médite pas ? »
Autant te dire que ça n’a pas forcément d’application business hein ! Et tu avais, de l’autre côté, des gens comme Apple, Sony ou Nintendo qui avaient regardé ça dans cette capacité d’adapter des jeux ou de faire de l’identification. Mais qui n’avaient pas compris le principe.
Et quand il m’a présenté ça parce que ça l’amusait, je me suis dit : « Attend, tu es en train de me dire qu’il y a un signal que tu dois transformer en data, faire du pattern matching… » il ne connaissait pas forcément. Mais faire du pattern matching et, derrière, un défi de trouver des marchés dans lesquels cette information-là, on peut la donner. Alors qu’aujourd’hui, personne n’y a accès…
Je me suis dit : « mais ça s’appelle un produit, ! C’est une plateforme en fait que tu es en train d’imaginer ». Et lui n’avait pas du tout imaginé ça comme ça. Il imaginait que pouvoir aller se faire ça dans un marché qui était à la base, effectivement, la partie santé, mais plus sur des notions de cohérence cardiaque, donc du biofeedback.
En fait, moi, ça a été mon côté entrepreneur qui l’attirait vers : « il faut qu’on en fasse quelque chose. Il faut qu’on en fasse. Donc il faudrait qu’on ait des développeurs qui gèrent la partie hardware. Des développeurs qui nous sortent le signal, qui le mettent en propre et qu’on ait des patterns. Et puis, on pourrait, derrière, faire accumuler le data, la protéger dans une fondation… » En fait, c’est venu assez naturellement parce qu’on s’est autoexcité intellectuellement si je puis dire.
Quand on est devenu ami avec Peter on a 25 ans d’écart, on n’a pas du tout le même âge. Mais il y a eu une espèce d’alliance intellectuelle entre les deux. Et on s’est beaucoup retrouvé sur la partie éthique. Lui, il était extrêmement divergent, moi, j’arrivais à le faire converger.
Donc j’arrivais à le ramener sur terre. Et c’est ça qui a fait qu’on a réussi à monter la boite. Ça n’a pas été facile mais on a réussi à le faire.
Naier : Et comment vous avez fait du coup ? Vous avez développé le produit, ensuite vous avez cherché le marché ?
Fabrice : Alors au début on avait un petit complexe. Peter n’étant pas médecin, il y avait ce besoin de montrer qu’il comprenait tout ça. Il avait une vraie connaissance heuristique des choses. Et donc, au début, on a beaucoup cherché à avoir le nombre de variables sur lequel on était capable de jouer. Mais, la tech n’est pas suffisante.
Moi, assez rapidement, j’ai dit :
- » Peter, sur quel marché tu penses ? »
- » Non, mais il me faudrait ci, il me faudrait ça… »
- » Non non, sur quel marché tu penses qu’on peut faire la différence ? »
Assez naturellement on s’est dit : » bon ben, si on se concentre sur là où l’on pourrait avoir le plus d’impact. Et là où l’on a besoin de légitimité, allons dans la santé ». Donc on a tapé aux portes de plein de gens. Et on s’est pris cette hostilité. Ce côté de… tu vois… Doctolib, pour un médecin, ce n’est pas le cœur de l’activité.
C’est le cœur du business, mais ce n’est pas le cœur de l’activité. Donc tu retires un Pain qui est de dire : « j’en ai marre d’avoir des problématiques de rendez-vous et des gens qui ne les honorent pas. Et je me concentre sur ce que je sais faire qui est de soigner les gens ».
Là, tu arrives directement en frontal vers : « je vais t’apprendre à mieux soigner les gens avec de la technologie ». Évidemment, si tu veux, toi tu y vas avec un grand sourire, la bouche en cœur en disant : « regardez, c’est formidable ce qu’on a développé ». En disant que tu as le même intérêt qu’un médecin : c’est de soigner les gens.
Le problème c’est que, oui, ils ont un intérêt. Mais ils ont aussi, de leur côté, une légitimité. Il y a aussi parfois un syndrome du superhéros, ou du sachant en tout cas. Et, en fait, on a mis du temps à capter qu’on ne pouvait pas se développer là-dedans.
En tout cas, pas à court terme sinon ça nous prendrait des années. Et qu’on risquait de s’enfermer dans des applications trop… voilà… ça va mettre 10 – 15 ans à sortir et on voulait pouvoir avoir des choses qui marchent. Donc, ça a été, en gros : « allons voir les marchés et voyons s’il y a un besoin » parce qu’on était finalement plus en tech push.
On avait une tech et ont cherchait où l’appliquer comme un criteo à faire d’une certaine façon. En faisant d’abord des films, puis des boutiques, puis, finalement de la publicité. Mais, de l’autre côté, on avait cette volonté de dire : « où est-ce qu’on peut avoir un impact et pas juste où est ce qu’on va faire de l’argent ». Donc on a dû faire coïncider les deux.
On a fait la santé. Ensuite on a fait les chevaux en disant ben ce n’est pas la santé directement dans le sens humaine. Mais il y a des gens qui ont de l’argent et qui seraient prêts, selon nous, à investir pour pouvoir développer des choses avec nous. On n’en a pas trouvé. Il y a eu la partie véto, donc là où l’on essayait de se développer. Et on a vu qu’il n’y avait pas vraiment de marché.
On s’est retrouvé avec tous ces gens qui nous ont approchés dans l’assurance, dans l’entertainment. Tous ces gens qui, derrière, nous ont plus ou moins fait comprendre qu’on avait intérêt à travailler avec eux. Et des gens qui nous ont mis de l’argent sur la table. Il y en a qui nous ont mis 700 000 euros directement sans prises de participation.
Donc, il faut résister à la tentation en disant : « est-ce que c’est en train de me faire aller loin dans la vision ». C’est-à-dire : « est-ce que ça va me permettre d’aller proche de ma vision ? » Premier élément. Et deuxième chose : « est-ce que c’est ma mission ou pas ? » Et donc on a dit non pour ces raisons-là. Peut-être que ça nous approchait un peu de la vision et d’avoir des éléments technologiques pour le faire. Mais au niveau mission, c’était hors de question.
Et ça a été par hasard. On est tombé sur un entraîneur sportif en Suisse qui utilisait la variabilité cardiaque de façon totalement manuelle. Il nous a donné les contacts d’un mec chez Air France KLM. Un ancien pilote de Mirage 2000. Il nous a parlé de toute cette partie de prise de décision : « est-ce que tu appuies ou est-ce que tu n’appuies pas sur le bouton du missile ? » On allait travailler avec la Royal Navy, puis on entre avec le Raid en France.
Et petit à petit, s’est développée cette notion de prise de décision en disant : « en fait c’est là qu’on va pouvoir développer quelque chose qui va nous permettre de protéger les gens » car se dire : « j’appuie ou je n’appuie pas sur un missile », ça a quand même un petit impact sur la vie des gens. Et de l’autre côté, de se dire : « si on a ça, on peut mettre derrière des CEO, sur des négociateurs.
Si on est sur des négociateurs, sur des prises de décision, eh ben, peut-être qu’on va réussir à se développer sur cette notion d’immersion ». En fait, on a vu le côté très capillarité qu’on peut voir dans les marchés. Mais pas un enfermement dans la partie santé.
Donc ça a été ces petits sauts de puce de marché en marché qui a fait qu’on a compris notre valeur. Et que, notre valeur, en fait, elle était multi-marchés sur un besoin qui était cette prise de décision.
Naier : Et comment on finance tout ça ?
Fabrice : Avec mon argent. J’ai bootstrapé. Je critique pas mal le modèle de l’hypercroissance personnellement en disant que c’est un modèle qui est devenu trop majoritaire. En gros, la plupart des venture-capitalists te diront : « ce n’est pas le seul modèle. C’est simplement le sommet dans lequel nous investissons. On n’a pas dit que c’était la seule façon d’exister ».
Le problème, c’est qu’aujourd’hui, c’est devenu un marqueur de succès. Et donc potentiellement, le seul marqueur de succès que tu vois aujourd’hui dans les communications autour de la tech. Un peu comme les diplômes peuvent l’être, quand tu as des mecs de 59 ans, qui, on rappelle, qu’à 23 ans, ils ont eu un diplôme alors que tout le monde s’en fiche. Sauf les gens qui, ont effectivement eu ce diplôme-là.
C’est devenu un peu pareil : « combien de millions tu as levés ? » Je ne dis pas que j’ai refusé. C’est que la vente de la boite en 2007 m’avait donné suffisamment de moyens pour pouvoir investir. Donc j’ai cramé à peu près tout ce que j’ai eu en 2007. Et on a partagé cet argent derrière avec, dès le départ, aux développeurs. Le but c’était que tout le monde soit intéressé.
Et on a eu cette chance de ne pas avoir justement à tenter… on a été tentée. Mais avoir besoin des 700 000 euros de quelqu’un qui voulait qu’on travaille avec lui pour les mauvaises raisons, et c’est un luxe. De ce côté-là, je ne dirais pas que c’est le seul modèle non plus. Mais on a réussi à ne pas avoir besoin de financement externe.
Naier : Ouais, et garder votre éthique.
Fabrice : C’est ça !
Naier : Et après cette revente, alors, est-ce que tu as décidé vraiment de partir en vacances ou pas du tout ? Toujours pas ?
Fabrice : En fait ça a été compliqué parce que, quand tu vends, alors… en dehors du fait que tu dois faire un montage extrêmement complexe, parce qu’on était une boite anglaise, on travaillait avec Eindhoven qui était en Hollande et avec une agence gouvernementale américaine, autant te dire que le montage juridique pour réussir à vendre quelque chose est extrêmement compliqué. Et que, même moi, avec ma petite licence de droit, je n’ai toujours pas tout compris.
Bon, ça a mis un an. Le budget de la Nasa, c’est un budget qui est proposé par le gouvernement des États-Unis au mois de novembre devant le congrès et le congrès dit oui ou non. On l’a bien vu avec le shutdown. Et donc, en gros, on a raté novembre 2013. Donc, on est reparti pour un an dans lequel tu n’as aucun contrôle.
Tu ne peux rien faire qui puisse faciliter ou pas la vente. En gros, tu es en statu quo pendant un an avec aucun revenu. Donc en décembre, je suis revenu en France. Il fallait que je retrouve un boulot…
Naier :… Alors qu’ils ont déjà pris le produit ?
Fabrice : Ils ont pris le produit. Mais ils ne l’ont pas acheté tant qu’ils n’ont pas le budget qui est voté.
Naier : Donc, vous ne pouvez pas continuer dessus ?
Fabrice : Non, on ne pouvait pas. Ça a été extrêmement compliqué. Alors qu’on a continué à travailler un peu là-dessus en disant : « imaginons que ça ne se fasse pas ». Mais en gros, on a une espèce de statu quo et ne pas faire grand-chose.
On sait qu’ils veulent acheter. Mais on ne sait pas à quel prix puisque ce prix dépend – alors, tu regardes le budget de la Nasa, c’est plein de lignes. Tu as de la R&D, tu as évidemment du personnel, tu as par mission, par type de technologie, de l’entretien de mission qui tourne depuis des années, au bout d’un moment – et donc tu es une ligne parmi tout ça.
Et tout ce que tu peux espérer c’est que l’enveloppe globale qui a demandé par le Président des États-Unis, à l’époque Barack Obama…
Naier : Tu as eu de la chance hein !
Fabrice : Ouais, le congrès dit : « on prend ce que vous demandez », ou plus, ou moins. Mais toi, tu ne peux rien. Tu ne te présentes pas au congrès des États-Unis en : « bonjour, ici c’est Fabrice des Mazery, I want money, I want to buy the hotel ». Bon, à un moment et de façon réaliste, tu n’as aucun contrôle. Et donc je suis revenu en France un peu sous le sceau de secret.
On peut dire que tu as monté une boite. Mais certainement pas que tu es en discussion avec la Nasa. Et j’avais ma nouvelle copine qui était en France. Elle est devenue ma femme depuis et en lui disant : « ben voilà, je ne peux pas aller là-bas, je ne suis pas citoyens américains ». Ou alors je vais là-bas mais j’arrête avec ma chérie. Je n’ai pas de garantie de quoi que ce soit.
Donc je reviens en France. Je trouve un boulot en tant que project manager dans une boite qui s’appelle Sail Trade. C’est un petit peu le seul boulot de product management qui existait à l’époque. Et je travaille parce que je n’ai pas le choix.
Tout mon argent était invité dans ma boite, donc je suis en attente. J’ai mon argent dans une tirelire. Je ne sais pas ce qui va en sortir. Mais je ne peux pas toucher à la tirelire pendant un an, voilà. Donc j’ai repris directement le boulot. Je n’ai pas pris de vacances et je ne les ai toujours pas prises d’ailleurs.
Naier : Et après cette année et dès que le budget est voté ?
Fabrice : Alors le budget est voté fin novembre 2014. On touche l’argent début 2015 et je peux officiellement l’annoncer en décembre 2014. Et donc je touche… alors, on n’a pas avant plus à des centaines de millions de dollars hein.
Mais suffisamment pour pouvoir acheter une maison à ma mère, acheter une maison à mon père, investir aussi de l’argent dans des boites, investir de l’argent dans des associations ou de l’ESS qui sont essentiellement les investissements que je fais aujourd’hui. Je continue à les faire mais dans l’ESS et…
Naier :… toujours cette composante…
Fabrice :… oui, toujours, depuis petit. On en parlait au début. Mais, effectivement, il y a eu cette volonté de donner finalement ce que j’ai reçu. Cette volonté d’avoir la chance de ce que j’ai fait et d’essayer de transmettre. Ce que j’ai c’est d’ailleurs toujours de faire aujourd’hui.
Et, si tu veux, j’ai eu la possibilité. Parce que, comme dirait un de mes amis, excusez-moi pour l’expression mais l’avantage d’avoir l’argent c’est que j’ai là ce qu’on appelle la « fuck You money ». En gros, je suis resté deux ans chez Sail Trade. Au bout d’un moment, j’en avais marre.
Je suis parti faire autre chose. Avec cette volonté potentiellement de dire : « le product management en France n’est pas suffisamment connu, qu’est-ce que je peux faire pour le faire plus connaître ? » Ça a été ce choix de partir chez Octo Technology – qui est une boite de conseils et qui a été racheté par Accenture depuis – un peu par hasard parce que j’ai rencontré celui qui est devenu le co-CEO de Vide Dressing – qui était racheté par Le Bon Coin il y a très peu de temps – et qui m’a dit : « moi je m’en vais, mais le product management, j’y crois ».
Dans une boite comme Octo qui est un peu le Louis Vuitton de la tech en France, c’est peut-être là où tu peux faire la différence. Donc il y avait cette recherche de dire : « ok, où est-ce que je peux faire la différence ? Comment je peux montrer que faire de meilleurs produits ce n’est pas juste faire de la meilleure tech ?
Le latex et le fil avec le lequel tu couds. Mais ce n’est pas ça qui fait que, derrière, tu vas en faire un succès. Et tu peux faire effectivement du très bon film et faire n’importe quoi avec ». Ce n’est pas cet artisanat-là, il faut qu’il soit accompagné d’une compréhension du business, du business design de certaines façons. Et c’est ce que j’ai essayé d’apporter au niveau du product management et que j’essaie toujours de faire aujourd’hui.
Pourquoi il a repris un poste de salarié après avoir revendu sa startup ?
Naier : Est-ce que ce n’est pas difficile de justement revenir en mode salarié quand on a été entrepreneur et quand on a réussi ?
Fabrice : Oh si ! Déjà parce que…
Naier :… rien ne t’y oblige quoi !
Fabrice : Non, mais si tu veux, je pourrais repartir remonter une boite. Cela fait trois fois, je pense que ma femme en a marre aussi. Tu sais ce que tu perds et jamais ce que tu gagnes. Et que, aujourd’hui, il y a peu de choses qui font du sens pour moi !
Je vois beaucoup de startups qui se développent et c’est très bien. Il n’y a aucun jugement dans ce que je dis. Mais, effectivement faire de la foodtech ou faire du last mile delivery, oui, ok, je comprends le pourquoi, je comprends que ce soit excitant. J’ai du mal à comprendre concrètement à quel point ça a un impact.
Est-ce qu’on n’est pas juste en train de répondre à la paresse des gens là où, au contraire, il faudrait qu’on les motive à faire certains efforts. C’est juste une question de motivation. Donc ça a peu de sens pour moi. Il n’y a pas grand-chose qui résonne.
Donc soit, un jour, je me lèverai avec une idée géniale. Et je me dirai : » eh ben c’est ça qu’il faut que je fasse » et peut-être que je m’y remettrai. En attendant je me dis que j’ai un autre rôle à jouer que de remonter moi-même encore une entreprise.
Alors, la difficulté c’est que c’est dur de me manager. Forcément parce que je n’ai pas l’habitude d’être managé, je ne suis pas et puis je dis ce que je pense. Donc, si tu veux, de temps en temps, ça ne doit pas être facile d’être mon manager.
Naier : Toujours jusqu’à aujourd’hui ?
Fabrice : Oui et puis c’est une question de caractère et de personnalité certainement. Mais j’ai un petit côté franc-tireur si tu veux. Et aujourd’hui, j’ai tendance à dire aux gens que ce que je pense. Alors pas de façon de brutale, le but, ce n’est pas faire du mal. Mais je ne vais pas dire à quelqu’un ce qu’il a envie d’entendre juste parce qu’il a envie de l’entendre.
Je ne dirais pas un client, à un partenaire, ou n’importe qui, je ne vais pas lui mentir pour lui faire plaisir. Je vais essayer de mettre les formes en tant que possible. Parfois j’ai du mal, mais je considère que cette franchise, elle est nécessaire.
On parle des gens qui passent de Radical Candor, peut-être pas jusque-là. Mais je considère qu’il faut dire aux gens ce qu’ils doivent entendre non pas ce qu’ils ont envie d’entendre, si effectivement, ça peut avoir un impact. Si c’est juste pour te sortir ton sac, autant aller voir un psy, ça ne sert à rien et tu te feras plus de mal qu’autre chose.
Donc c’est dur de me manager. Ce n’est pas facile, c’est un défi si tu veux, c’est un challenge. Il y a cette partie-là et le fait que j’ai ma propre vision.
Donc en tant que product manager, je ne vais pas partir tout seul à faire un truc qui n’a aucun intérêt pour l’entreprise. Mais j’ai beaucoup de mal à avoir des gens au-dessus de moi qui ne sont pas des visionnaires, des gens qui ne sont que des gestionnaires. Ça m’énerve très vite, surtout quand je vois qu’il y a des choses à faire et que c’est ça qui motive les gens.
Donc, des gens qui se contentent juste de faire et de ne pas remettre en question. Ça marche très bien d’avoir des gestionnaires, et il en faut hein ! Si tu veux des gens qui ont envie de s’arracher pour ta boite, il faut être visionnaire. Et s’il y a des gens qui sont payés par des actionnaires pour être des gestionnaires, je n’ai aucun problème avec ça. Mais ça ne sert à rien d’être dans ce genre d’entreprise. Et c’est un peu ce qui m’est arrivé chez Deezer.
Naier : D’accord ! Deezer parce qu’elle a peut-être gardé un esprit de startup. Mais pas vraiment il y a eu des gestionnaires et…
Fabrice : Le board est un board de gestionnaire et c’est ce que l’actionnaire demande au board. Donc, d’une certaine façon, si le board décidait d’être visionnaire, il serait viré. Ce n’est pas ce que demande l’actionnaire. À un moment, c’est très réaliste. Il travaille pour l’actionnaire, il ne travaille pas pour les salariés ou pour les utilisateurs.
Donc, ils ont été engagés sur une promesse à base d’IPO en 2014 qui a été ratée pour plein de raisons différentes. Mais ce sont des gens de grosses boites. Ce ne sont pas du tout des gens qui ont monté des boites, ce ne sont pas des gens de la tech, ce ne sont pas des gens du design.
Donc ce sont des gens qui sont des gestionnaires, qui sont comme tous ces gestionnaires, ex grosse boite, assez fort pour se battre, pour défendre leur territoire politique. Mais pas forcément pour aller motiver des troupes, pouvoir avoir des gens qui s’éclatent pour aller faire émerger l’inattendu et trouver une personnalité qui te permettent de créer une préférence de marque de Deezer versus Spotify ou versus Apple Music. Mais pas d’être bêtement, uniquement, sur de la promesse fonctionnelle.
Les gens n’achètent pas du fonctionnel. Ils achètent l’émotion qu’ils vont retirer à l’utilisation d’un produit. Donc soit, effectivement, ils vont défendre Burger King par rapport à McDo ou Quick par rapport à McDo. Parce qu’ils y trouvent quelque chose d’autre. Là, pourquoi pas.
Mais si tout le monde fait la même chose, bah c’est celui qui a finalement les plus grosses équipes avec le produit le mieux fini qui va gagner. Et c’est ce que ça fait très bien Spotify ou un Apple Music, qui, parce que les gens sont déjà dans l’écosystème, ne challenge pas le produit. Ils le prennent assez naturellement.
Toi t’es Deezer, tu n’as aucun de ces avantages-là, tu dois te différencier. Chauffeur Privé le fait très bien par rapport à Uber. Ils ont compris que c’était là-dessus qu’ils faisaient la différence, c’était sur la marque. Et ça, Deezer ne l’a toujours malheureusement pas compris.
Naier : Fabrice, aujourd’hui tu es évangéliste produit et growth, en quoi ça consiste ?
Fabrice : Alors, il fallait me trouver…
Naier :… chez Thiga d’ailleurs, excuse-moi.
Fabrice : Alors, chez Thiga, on a un cabinet spécialisé en product management dans le sens où notre but c’est de faire émerger de nouvelles façons de faire et de nouveaux produits qui ont plus d’impact. Donc, on fait vraiment du business design. Dans le sens où l’on va toujours avoir cette partie comment tisser avec la technologie des produits qui vont être, en même temps, plus utilisables, et aussi, plus engageants.
Le fait que tu saches ouvrir une porte ne veut pas dire que tu as forcément envie de l’ouvrir. Nous, on va essayer de faire coïncider les deux. En gros, notre activité c’est qu’on a 80 % de notre chiffre d’affaires là où l’on place des numéros 10 dans des équipes, les équipes de nos clients. Mais juste pour une saison.
Le but, c’est de faire grandir tout le monde. Soit de tacler des problématiques complexes. Soit, simplement de montrer par l’exemple comment on peut mieux faire. Ensuite, ils sortent et il faut les remplacer, ou, en tout cas, il faut se réorganiser.
On a 10% de notre activité qui est plus sur du conseil classique. Soit à l’amorçage de nouveaux produits ou de nouveaux marchés, soit sur de l’organisation. Comment s’organiser pour délivrer de meilleurs produits. Et on a 10% qui est sur de la pure formation. Et c’est surtout sur la formation que je travaille.
Aujourd’hui, j’ai cette envie de transmettre que j’ai toujours eue, mais que Thiga me laisse faire. C’est-à-dire que je vais autant faire ce que je fais avec toi aujourd’hui qui est de parler de ce que je fais. Je ne vais pas en parler en conférence. On va écrire des articles de blog, organiser des conférences dont La Product Conférence. Et je vais essentiellement faire de la formation.
Je fais un peu de coaching à droite à gauche. Mais c’est une toute petite part de mon activité. Et l’essentiel, c’est de faire évoluer des formations. En faire émerger de nouvelles pour que les gens puissent comprendre que c’est que le product management. Creuser une forme d’expertise en product management et creuser une expertise en management de product manager qui sont des choses qui, aujourd’hui, n’existent pas sur le marché.
Quels sont les facteurs clés pour réussir à créer un produit numérique ?
Naier : Fabrice, dans ce podcast, on s’intéresse beaucoup aux produits numériques. Peux-tu nous dire quels sont les facteurs clés pour réussir à créer un produit numérique ?
Fabrice : Je dirais qu’il y a, pour moi, 3 facteurs clés. Le premier facteur clé c’est de savoir est-ce que tu règles vraiment un problème. C’est-à-dire qu’on règle un problème, c’est de dire que si tu fais un produit qui est 10% mieux qu’un produit concurrent, les gens ont pris des habitudes. Et qu’ils savent toujours ce qu’ils vont perdre et jamais ce qu’ils vont gagner au changement.
Donc de se dire à quel point je résous un problème, à quel point ce problème est important. Et à quel point les gens vont avoir envie de pousser la porte pour pouvoir rentrer. Le premier risque pour un produit c’est que personne ne l’utilise.
Le deuxième facteur clé, pour moi, il est de comprendre la différence entre faire un produit fonctionnel – c’est-à-dire qu’il y a des fonctionnalités – et comprendre que les gens ont un temps ou une attention limités à te consacrer. Donc, il faut qu’ils comprennent rapidement la valeur qu’ils peuvent y trouver.
Le troisième élément, c’est cette part d’attention, c’est de comprendre que l’utilisateur investit de l’attention en toi. C’est la seule monnaie universelle l’attention et on se bat tous pour l’attention des utilisateurs. Donc, il faut plus rapidement, si j’utilise ton produit, il gagne, non pas un retour sur investissement pur, mais un retour sur l’attention. L’investissement de leur attention de leur côté. Et ce qu’ils en tirent de la valeur par rapport à des solutions concurrentes ou alternatives.
Par exemple est-ce que Netflix, en jouant avec ta paresse, a le droit de remplacer des heures de sommeil ? C’est une vraie question éthique qui, aujourd’hui, ne se pose pas chez Netflix. Donc, il y a vraiment, pour moi, ces 3 éléments-là qui sont : quel problème tu règles ? Comment cette attention, tu te dis : « bah, je ne suis pas dans du fonctionnel. Je suis dans cette notion de donner de la valeur ».
Et troisième chose : « si je donne de la valeur, est-ce qu’elle augmente avec le temps et est-ce qu’à un moment, je ne dois pas juste me dire que je dois m’arrêter dans la capacité que j’ai de prendre l’attention de l’utilisateur pour qu’il consacre son attention à autre chose qu’à mon produit ? »
Le métier du product manager et du product owner
Naier : Excellent ! Fabrice tu es le fondateur de La Product Conf. Comment tu as eu l’idée de cette conférence et comment s’est passé le démarrage ?
Fabrice : Alors l’idée, elle a émergé… on a été avec un groupe d’amis. Et à l’origine, on avait monté le premier meetup produit à Paris. Il s’appelait : « product tank ». Au début, on avait très peu de gens, on avait 10 – 20 personnes. Ça a grossi avec le temps. Et en début 2016, on se dit : « c’est quand même dommage qu’il y ait rien à Paris comme grandes conférences ».
Il y en a à Londres, aux États-Unis et en Australie et il n’y a rien chez nous. Pourtant on a une façon de faire. Le product management est en train véritablement de naître. Et on se dit : « pourquoi pas faire une conférence ? Pourquoi pas faire quelque chose? Une journée entière qui montre aussi que c’est une vraie profession.
Ce n’est pas un hobby, qu’on a des vraies façons de faire en France avec des bons exemples d’entreprises, que ça soit un moment pour partager. Mais aussi pour, justement, évangéliser » la place de Paris d’abord. C’était d’abord très parisien.
Et avec cette idée de faire la France. Puis de montrer au niveau européen que la France a une place sur le marché du produit d’une certaine façon. Donc on a monté ça avec nos carnets d’adresses personnelles. Et la première édition, on imaginait avoir 150 personnes, on en a eu un peu plus de 200.
On nous le signale, c’était qu’il faut continuer. Puis les gens étaient contents de venir. Ils payaient, c’est-à-dire qu’à un moment c’était : oui les gens considéraient qu’il y avait suffisamment de valeur pour y aller eux-mêmes. Mais pour envoyer potentiellement les gens qui manageaient pour dire : « bah tiens, tu vas comprendre ce que c’est » ou « tu vas te renforcer, tu vas apprendre ». Donc, le pari était tenu.
On a continué en 2017, on a eu un peu plus de 400 personnes. 2018, on a eu 530 personnes parce que je ne pouvais pas accueillir plus de personnes dans la salle. Et que cette année on continue et on sera 750 le 6 juin. On privatise le théâtre du Trianon et l’Élysée Montmartre. Nous commençons à avoir quelque chose qui nous a un peu dépassés si tu veux.
Naier : Ok, on a combien de personnes au maximum là ?
Fabrice : 750, donc ça commence à devenir une des vraies grandes conférences mondiales de façon très artisanale hein ! On est quand même très peu dans l’organisation. Mais on a cette chance d’avoir ce carnet d’adresses aussi qui nous permet, les uns les autres, de connaître tout le monde.
Il nous permet aussi de connaître tous les CPO, parce que, on se rencontre. Puis, moi, j’essaie de continuer avec certains autres à animer cette communauté de product leaders.. Et que, par les formations, par les missions, par les gens qu’on connaît, on arrive à faire du bruit pour dire : « ça vaut le coup de faire venir des gens qui ne soient pas nous ».
On n’est jamais sur scène, le but ce n’est surtout pas que je parle. Je ne parle pas à mes conférences. C’est une question d’éthique aussi. Je suis là pour essentiellement mettre des gens en lumière et réussir. En même temps, à permettre aux gens de creuser des choses très opérationnelles – « comment être meilleur dans ce que tu fais aujourd’hui » – mais aussi de penser autrement à ce qu’il fait.
Peut-être ce ne sera pas de l’actionnable tout de suite sur cette partie-là. Mais de réfléchir à : « regarde, ces gens-là », par exemple Mathy Schneider qui a été un des cofondateurs des startups d’États. Il a fait la même chose en Nouvelle-Zélande – qu’est-ce que ça veut dire appliquer le produit à l’État ?
Quelles sont les contraintes qu’on peut imaginer ? Et qu’est-ce qui marche ou qui ne marche pas ? Et pour se dire : « bah moi, je me plains des chez une grande boite du CAC 40 et je ne peux pas faire des choses », donc voilà. Avec des contraintes encore plus importantes, ce que les gens ont réussi à faire émerger. Et que ce soit inspirant pour ta façon de faire.
Donc on essaie d’avoir des gens qui représentent toute cette diversité-là. Le faire mieux et le faire différemment, donc penser différemment en tout cas. On fait venir des gens. Là, cette année, on aura le CPO d’une boite qui s’appelle Front. C’est une boite créée par une Française à la base.
On a celui qui a lancé Airbnb expérience, on va avoir celui le designer qui a redesigné Facebook Messenger. Mais on a des gens de Drivy, par exemple, qui sont des boites purement françaises. On va avoir des gens de Aircall qui sont des gens purement français. Donc on va avoir ce mix de french touch d’une certaine façon.
Et en même temps d’inspiration, souvent de Français, qui travaillent… la diaspora d’une certaine façon, qui travaillent aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne pour montrer un petit peu aussi ces différences culturelles et comment on peut s’enrichir.
Naier : D’accord ! Est-ce que ça, ça participe au business de Thiga ?
Fabrice : Pas vraiment. Non, je suis un peu schizophrène en fait hein !
Naier : Est-ce que tu ne le veux pas ou est-ce que ça n’apporte pas forcément de visibilité particulière ?
Fabrice : Ce n’est pas la valeur de Thiga. Thiga n’a jamais eu la volonté – et c’est aussi pour ça que je l’ai rejoint – de mettre Thiga en avant à tout prix. Son but c’est de permettre à des gens qui nous rejoignent d’avoir des missions suffisamment variées pour pouvoir grandir en product management, partager. Et ensuite, de finir par nous quitter et puis aller… soit monter leur boite, soit à des tas d’offres CPO et tu vas être officer de boites.
Tu ne vas pas rester pendant des années en conseil. Et ce n’est pas non plus de faire une boite de conseils de 4000 ou 5000 ou 20 000 ou 100 000 personnes. On aimerait être à 100 – 120 personnes maximum à Paris. Nous avons une petite antenne en Australie qui commence à grossir.
Naier : C’est un peu le modèle Octo ?
Fabrice : Un petit peu dans l’idée. Sauf qu’Octo avait fini à 220 et quelques personnes. Et qu’aujourd’hui, avec Accenture, ils sont 500 et qu’ils ont perdu ce côté-là. Mais, oui il y a un peu cette approche-là que moi j’avais appréciée en tant qu’ex Octo. Même si je ne suis pas resté longtemps. J’aimais beaucoup cette approche-là.
Donc Thiga n’a pas du tout pour volonté d’aller dire : La product conférence est un événement Thiga ». Même si, dans la réalité, énormément de choses sont faites par Thiga, le risque financier est pris par Thiga. Je suis son CPO. Donc, à un moment, les gens ne sont pas de dupes. C’est évident qu’il y a un lien.
Mais quand je parle de la product conférence, j’ai ma casquette de cofondateur. Je ne mettrai pas Thiga en avant en disant : » C’est Thiga qui fait ». Elle est partenaire d’une certaine façon, presque coorganisateur, plus que sponsor. Et que c’est important que les gens comprennent qu’il n’y a pas de confusion à faire.
On ne va pas choisir un speaker parce que c’est un client de Thiga. Nous n’allons pas le choisir parce qu’on espère faire du business pour Thiga. On choisit des speakers parce qu’on pense qu’ils sont intéressants pour notre audience et c’est tout.
Naier : Fabrice, quel est le meilleur canal marketing que vous utilisez pour faire croître La Product Conf d’un côté et Thiga de l’autre ?
Fabrice : Essentiellement le bouche-à-oreille. Il y a énormément de bouche à oreille parce que, petit à petit, les gens parlent. Quand ils voient des choses de qualité, ils en parlent. On a vraiment ce canal qui se fait autant sur les deux hein ! Nous avons Product Conférence aujourd’hui. On a des partenaires et des sponsors qui tapent à notre porte, qui sont des sponsors internationaux.
On a des speakers, qui sont des speakers internationaux qu’on avait pas au début. Parce qu’ils ont vu la qualité de ce qu’on a fait. Ils en ont entendu. Il y a des speakers internationaux qui sont venus et qui ont dit: » j’adore cette conférence ». C’est la proximité qu’il y a entre eux – nous, speaker et l’audience – et donc les gens se disent : « c’est intéressant. Ils ont une façon de faire qui est intéressante ».
Thiga c’est pareil. Les succès de Thiga ce sont d’abord les succès de nos clients, mais les clients en parlent. Et puis, il y a des gens qui nous ont eus pour clients. Il y a des gens qui ont vu des choses faire part des gens à côté. Et qui, quand ils vont changer d’entreprise, ils vont dire : « si je dois tacler un problème produit, c’est à Thiga que je pense en premier ». Pareil sur la formation et de plus en plus.
On a ensuite 2 canaux qui sont particuliers. Du côté de Thiga c’est que Thiga a appris – puisque j’y suis pour le coup – cette décision de faire beaucoup de livres blancs. Donc, on a aujourd’hui 3 livres blancs. On a un premier livre blanc sur le product management, un autre sur le produit growth et un dernier sur les organisations produits. On va faire sûrement un quatrième cette année.
Le but c’était de dire : bah plutôt que de faire des articles à droite à gauche, on fait un vrai investissement pour avoir, un peu une forme de bible. Mais en disant : « voilà ce qui marche en France, voilà où on en est en France, qui soit actionnable et partageable ». Qui soit aussi, finalement… la possibilité pour des gens qui veulent évangéliser le produit dans leur entreprise. La possibilité d’avoir un support qui est engageant et qui marche bien.
On a, en plus de ça, une newsletter dans lequel les Thiguys partagent les articles soit qu’on a écrit – moi j’écris des articles et on est quelques-uns écrire des articles – mais aussi des articles qu’on a vus de l’extérieur et qui nous ont marqués.
Et cette veille l’a fait aussi, mine de rien… là, pas forcément au niveau des managers. Mais essentiellement au niveau des gens qui sont products managers. Et qui, quand leur manager leur dis : « est-ce que tu connais un cabinet qui sait faire du produit qui peut nous renforcer « . Ils pensent à Thiga.
Naier : Moi, ce que j’adore là-dedans, et ce qui est contre-intuitif, finalement, c’est : plus on se niche, plus on est recherché. Plus on gagne de marchés et plus on peut se présenter comme premium finalement et vendre mêmes plus cher qu’un McKinsey ou autres. Parce qu’on est vraiment spécialisés là-dedans sans être une grosse structure, etc.
Fabrice : Ouais, en fait, on n’a pas pris autant chez Thiga qu’à La Product conférence de données. On vit toujours dans les réseaux : il faut donner avant de recevoir. Nous l’avons appliqué au niveau corporate. On dit : « finalement, on est tous des passionnés, on a tous envie que le produit grandisse. Même en dehors de Thiga ».
Notre but, ce n’est pas que tout le monde en fasse partie. De toute façon, ce serait absolument impossible. Si je fais de la formation c’est clairement pour former des gens qui ne vont pas forcément passer par Thiga demain. Le but c’est de les rendre autonomes et compétents. Donc, si tu veux, il y a ce choix de dire : « on donne et on donne ».
Là, on a sorti aujourd’hui une étude de La Product Conférence sur le métier du product manager, qui il est ? Ce qu’il fait ? Enfin, qui elle est ? Ce qu’elle fait, le type de mission qu’ils aiment, ce qu’ils n’aiment pas? Et combien ils sont payés ?
Le but ce n’est pas de faire parler Thiga puisque c’est La Product Conférence. mais c’est de dire : on a ce rôle et presque cette responsabilité. On est un point de contract central dans la communauté. C’est de montrer la réalité de la communauté.
Et je pense que c’est surtout ça que les gens retiennent. Autant pour La Product Conférence que pour Thiga, c’est cette forme de partage systématique sans demande de retour. On n’est pas là pour accumuler des emails et tout ça. Ce n’est pas notre but. L’étude elle est téléchargeable directement. Il n’y a pas de recherche de lead.
Ce qui fait que les gens considèrent que : parce qu’on partage tout ça, c’est qu’on n’a pas besoin d’aller faire du push. Donc les gens viennent vers nous parce qu’ils disent qu’ils vont retrouver cette qualité-là dans la relation. Et c’est ce qu’on essaie de leur donner. On n’a pas de commerciaux dans ce que les gens pourraient imaginer de négatif.
Alors, on a une directrice commerciale, qui maintenant vient d’être rejoint par quelqu’un. Et avec laquelle on est fier d’avoir cette bonne relation avec nos clients que de dire qu’on sait faire ou qu’on ne sait pas faire. Qu’on va être capable ou pas de staffer. Et vraiment dire : « est-ce que vous êtes vraiment sûr que c’est ça dont vous avez besoin ? Peut-être avez-vous besoin d’une mission plus courte ? Vous avez besoin de formation plutôt que d’une mission ».
On tient à avoir un impact plutôt que juste à faire de l’argent. Et ça, je pense que les gens s’en rendent compte. Donc ils font appel à nous parce que tu es premium.
Naier : Et si on revenait un peu sur la notion de product manager – product owner etc.. Ce sont vraiment des notions récentes, ça ne date pas de très longtemps. Il y a peut-être 6 – 7 ans ça n’existait quasiment pas.
Comment le marché a basculé – et même dans les grandes entreprises, on voit de plus en plus ces choses-là – comment marché a basculé et qu’est-ce qui a changé par rapport à ce qui existait avant ? Est-ce que c’est juste qu’on a changé le titre et puis rebelote, ou est-ce qu’il y a autre chose qui a changé ?
Fabrice : Je pense que… alors, originellement tu as finalement deux plaques tectoniques. La plaque tectonique du marketing et celle de l’IT dans lesquelles. Il faut se dire qu’il y a quand même toujours eu beaucoup de frictions.
Le marketing a une grande tendance. Alors ils ont inventé énormément de choses qu’on utilise aujourd’hui. Notre titre même de chef de produit. Même si on parle de product manager parce qu’il y a cette confusion en France entre chef de produit marketing et product manager tech d’une certaine façon ou digital – peu importe comment on la porte – mais qui a eu tendance un peu trop à se regarder le nombril pendant longtemps avec ce sacro-saint métier.
Et des choses qui étaient plus souvent dans l’intérêt de l’entreprise ou dans des hypothèses qui étaient des hypothèses améliorant le chiffre d’affaires. Sans forcément aller vers l’impact utilisateurs. De l’autre côté tu avais l’IT qui était souvent vu une comme une boite noire en interne.
D’ailleurs, dans un certain nombre de cas, il n’y avait pas vraiment d’IT. Et c’était de la SSII – on reste comme les champions mondiaux la SSII – et donc ces 2 mondes étaient relativement incompatibles. Il y a eu cette émergence alors l’Agile a beaucoup fait. Mais elle n’a pas fait que du bien.
Il y a beaucoup de gens qui, à l’origine… c’est quand même émergé vers la fin des années 70 début années 80, il a fait du Manifeste Agile de 2001. Il l’a fait pour que les gens commencent à comprendre que ça avait vraiment de l’intérêt. Et l’Agile a parfois enfermés à l’IT.
En gros, il y a eu cette position de product owner qui était parfois vu comme une forme de tamis. L’input était forcément externe. Le but du product owner c’était de diviser ces éléments en éléments digestes pour les développeurs.
Mais on était dans cette vision de « make the product right ». Faire un produit de qualité, fonctionnel, évitant les bugs. Mais pas forcément à les remettre en cause : » écoutez, ce que vous me dites, profondément le besoin il est où ? Quel impact on va avoir ? »
L’émergence de tout ce qui est lean startup a certainement beaucoup fait pour faire comprendre que, finalement, il manquait un rôle central. Et qu’il fallait arrêter le hand over entre la MOE et la MOA. Le métier business de gens qui disaient savoir mais qui tiraient les choses vers l’entreprise.
Et de l’autre côté, des développeurs à qui on disait : « écoute, tu es gentil tu fais du code et puis tu ne challenges personne ». Donc, je pense que cette émergence du lean startup, de se dire : bah finalement le product management, il faut quelqu’un qui orchestre tout ça.
Pas forcément le meilleur en tech ou meilleur en design ou meilleur en business. Mais quelqu’un qui est capable de prendre les décisions en prenant en compte ces prismes-là. C’est pour ça qu’a émergé cette notion de mini CEO du produit du côté des products managers. Elle est parfois critiquée parce que les gens pensent que mini CEO du produit veut dire dictateur.
Un CEO dictateur, c’est juste un mauvais CEO. Donc, effectivement, un product manager qui pense qu’être CEO c’est dictateur sera un mauvais product manager.
À partir du moment où on dit : « bah donnez-moi les différentes couleurs, moi je veux les mélanger et je vais aller éclairer le chemin. Et c’est ce chemin-là qu’on va prendre pour cette raison-là », alors tu peux avoir un produit qui va viser l’impact.
Mais pas simplement la valeur ou pas simplement le succès fonctionnel. Et qui va se dire : on va designer un business, on va considérer tous les points contacts d’un utilisateur. On va considérer qu’il y a autant une importance dans le fait d’être fonctionnel que du fait de faire comprendre cette valeur-là.
On a toute la partie psychologique dans la partie engagement. Et que le plus haut que je vais demander : impliquer les développeurs dans la compréhension du problème et dans les missions de la solution… et plus je vais pouvoir avoir un impact par rapport aux coûts que ça va me demander au niveau technologique. C’est là que ça a émergé.
On a compris que c’était ça qui faisait que les startups américaines fonctionnaient. C’est là où on a aussi vu émerger des entreprises qui ont explosé en termes de croissance. Et que les gens se sont posé la question de : pourquoi on avait été incapable de le faire en France ? Pourquoi est-ce que, finalement, ces grandes SSII ou ces grandes entreprises s’étaient fait prendre de vitesse par des gens qui étaient tout petit. Et je pense que c’est là que ça a émergé.
Cette compréhension a émergé à ce moment-là. Et que tu vois que le nombre de products managers, si on faisait un lien direct entre le nombre de startups créées, le nombre de levées de fonds – parce que, mine de rien malheureusement ça reste le modèle numéro un – et la croissance du nombre de products managers dans les entreprises, à mon avis, tu as une corrélation.
Maintenant ce qui est intéressant c’est que : ce mouvement, il a tellement grossi qu’aujourd’hui. Tu vas retrouver de plus en plus tôt dans les entreprises des products. Et même de plus en plus de products qui montent des entreprises.
Alors que, très longtemps, le mythe c’était le fondateur est : soit business, soit tech. Ou alors un tech qui connaissait un business. Mais ce n’était pas un produit – Mark Zuckerberg est un pur tech par exemple – et de l’autre côté, des grandes entreprises dans lequel ils ont cette volonté de se dire : « on a compris que ce qui faisait la différence n’est pas que le design et avoir des UX ».
Ce n’était pas juste faire de l’Agile. C’était d’arriver à amener tout ça et à donner un rythme à tous ces gens-là. Pour qu’ils soient dirigés par quelqu’un qui va viser l’impact et prendre ses décisions et avoir le poids de ces décisions-là. Donc, ils ont tous envie. Ils ne le font pas forcément comme il faut. Mais il y a une envie.
Des Accor Hotel, ils se sont transformés en termes d’organisation. Des Axa ont fait… on a créé un product academy avec eux. Donc il y a de cette volonté de se transformer. Non pas simplement pas mettre de l’argent dans un fonds d’investissement pour faire de l’innovation en interne. Mais aussi dans les rôles des uns et des autres de créer une alliance entre la partie business, la partie design et la partie tech.
Naier : Fabrice, quelles sont les prochaines étapes clés de la croissance de La Product Conf ?
Fabrice : Aujourd’hui, on se pose profondément la question de l’essaimage. Nous arrivons à une taille critique : 750 personnes. On ne va peut-être pas à faire venir à 2000 parce que je n’ai pas forcément personnellement la volonté de gérer un évènement de cette taille-là.
Et on s’est dit : finalement notre rôle, profondément la mission de Thiga, la mission de La Product Conf, c’est le partage. Si je prends uniquement La Product Conférence et ma casquette de Product Conf, je me dis : « bah autant Thiga n’a pas de velléités à aller en région, autant le produit, il est trop parisien.
Donc à La Produc Conférence, on se pose la question d’aider à faire émerger des groupes en région. De les aider au niveau financier, au niveau des moyens, parfois même de speakers. Des gens qui viennent à La Product Conférence et qui sont dans ces régions-là pour réussir à amener un essor dans ces régions et de dire : « bah le product management, il doit aussi émerger à Lyon, à Bordeaux, à Lille ».
Il y a plein de gens qui sont products managers dans ces villes qu’on connaît par réseau. Mais il n’y a pas de cristallisation autour d’un mouvement. Et on a un peu le même état que ce qu’on avait nous en 2013 à Paris. Donc on dit bah pas si on peut essayer de reproduire ce succès, pas tellement pour le bien de La Product Conférence parce que ce n’est pas ça qui va changer notre équation, mais c’est notre mission de le faire alors faisons-le.
On va faire la même chose en Espagne cette année. Donc on se dit : bah le marché espagnol, il est un peu moins mature que le marché français. Il n’y a pas de raison que l’on n’aide pas non plus les products managers espagnols. Un, à grandir, et deux, à montrer à leur hiérarchie que ça vaut le coup de basculer dans ce mindset produit là. Donc notre évolution, elle est essentiellement sur l’essaimage aujourd’hui.
Le moment des temps forts
Naier : Fabrice, c’est le moment des temps forts. Quel a été le pire moment de ton parcours d’entrepreneur et comment tu as fait pour rebondir ?
Fabrice : Alors, c’est une question difficile. Je dirais que le pire ça a été l’échec de ma première boite. Ça a été de penser que tu résolvais un vrai problème. De penser qu’il y avait une vraie valeur. Mais simplement que les gens qui étaient les utilisateurs n’étaient pas prêts à ce changement-là.
Ça a été extrêmement compliqué au niveau personnel et au niveau professionnel. Professionnel parce que je me disais : je vais repartir avec rien.
Donc de dire :
- « qu’est-ce que vous avez fait pendant un an et demi ? »
- « J’ai monté une boite mais ça n’a rien donné donc c’est un échec ».
Au niveau personnel parce que c’était aussi une fuite.
Donc je me retrouvais finalement à la fin de la boite à me dire : qu’est-ce que je vais faire demain ? Je n’en sais rien. Qu’est-ce que j’ai appris ? Bah je n’ai pas l’impression d’avoir appris grand-chose ». C’était faux, mais à ce moment-là, je ne m’en rendais pas compte.
Et comment je vais justifier à moi-même. Et encore une fois, à mon entourage que j’ai investi un an et demi de ma vie dans quelque chose qui, finalement, n’a porté aucun fruit. L’impression de revenir à zéro si tu veux. Je pense que ça a été le moment le plus difficile de ma carrière. Mais que ça m’a aussi permis de creuser normalement la partie expérience utilisateur.
Et je pense que si je n’avais pas creusé à ce point. Si je ne m’étais à ce point posé des questions de la motivation et tout ça, je n’aurais peut-être pas fait Inner Code. Je ne serais peut-être pas devenu product manager. Et je n’aurais pas ma vision actuelle de ce métier.
Naier : À contrario, quel a été le plus beau moment ?
Fabrice : Je pense que le plus beau moment ça a été le jour où on a vendu à la Nasa. Parce qu’il y avait tous ces espoirs, parce qu’on disait qu’on avait vraiment créé quelque chose. On se disait que ça avait été difficile, que tu passes quand même par des moments où tu n’es pas loin de la dépression surtout dans ce genre d’aventure. Et de se dire : « ça y est il y a quelque chose qui va pouvoir se passer.
Ça y est. Potentiellement, ce qu’on a imaginé, ce pour quoi on s’est battu, va exister et va porter ses fruits ». Et on va potentiellement… je ne dis pas d’aller changer le monde, c’est un bien grand mot, mais sait-on jamais… On ne sait pas ce que ça va donner dans 20 ans. Donc, ouais, je pense que ça a été quand même largement le meilleur moment ma vie professionnelle.
L’interview TOP 5
Naier : D’accord ! Fabrice, c’est le moment de l’interview top 5. Le livre que tu recommandes ?
Fabrice : « Inspired » de Marty Cagan qui pour moi est la bible du product management. C’est le premier bouquin que je conseille à des gens qui ne connaissent pas le produit ou qui ont envie de mieux le connaître. Il a une vision assez holistique de ce qu’est notre métier. Et que c’est vraiment un bon amorçage pour rentrer dans cette carrière-là.
Naier : L’entrepreneur que tu suis ou dont tu es fan ?
Fabrice : Je suis extrêmement fan de Jason Fried et de Ryan Singer : les deux fondateurs de Basecamp en fait. Ils ont justement réussi à montrer qu’on n’était pas obligé de faire de l’hypercroissance, qu’on pouvait avoir une croissance linéaire sans demander de l’argent à l’extérieur.
Ils ont aussi réussi à montrer qu’on pouvait rester une petite entreprise et qu’on n’avait pas besoin d’être une entreprise de 5000 personnes. On pouvait tuer des produits si on considérait qu’on ne fait pas suffisamment de valeurs par rapport aux alternatives et que l’important c’était le focus. Et ils continuent à être des poils à gratter dans ce domaine-là et j’adore les poils à gratter.
Naier : C’est vrai qu’ils sont assez particuliers dans leur approche. Ton outil en ligne préféré ?
Fabrice : Alors je vais te dire un truc qui, en même temps, va me faire du mal. L’outil que j’utilise le plus aujourd’hui c’est Slack. Et en même temps, je le trouve imparfait comme beaucoup de gens parce que c’est devenu une excuse à l’inattention.
Il y a beaucoup trop de messages qui se passent sur Slack. En même temps, c’est celui que j’utilise le plus. Mais ce n’est pas forcément celui que je préfère. Celui que je préfère, aujourd’hui, ça peut être bizarre, mais c’est mon application Kindle sur mon iPhone.
En fait, je lis énormément et essentiellement pour le boulot. Et le fait de ne pas avoir besoin d’un Kindle dans mon sac et de pouvoir l’avoir sur mon téléphone. Le fait de pouvoir surligner derrière, écrire sur Evernote, prendre des notes pour des articles, pour moi-même, pour mon information, c’est ce que je trouve le plus génial, voilà. Le couple Amazon Kindle et Evernote, c’est un peu mon outil de tous les jours.
Naier : D’accord ! Ton premier conseil pour quelqu’un qui aimerait se lancer aujourd’hui ?
Fabrice : Se poser les questions des motivations : pourquoi tu veux le faire ? Est-ce que tu veux le faire… excuse-moi, je vais reprendre une citation de film. Je fais beaucoup de citations de films. Dans Indiana Jones 3 « La dernière croisade », tu as un mec qui représente la confrérie de l’épée cruciforme. Et il dit à Indiana Jones : « pourquoi cherchez-vous le Graal ? Est-ce pour sa gloire, pour la vôtre ? » Et il dit : » je suis là pour trouver mon père ».
Et ce que j’aime bien dans cette phrase, elle paraît un peu bizarre, mais c’est qu’il y a beaucoup de gens qui montent des boites. Soit pour leur gloire en imaginant devenir riche et autre. Soit pour la gloire de leur entreprise. Faire un grand nom qui va faire ou lever beaucoup d’argent et tout ça.
Et qui, de temps en temps, oublient que le vrai besoin c’est de régler un problème – c’est vrai que vous allez régler des problèmes pour de vraies personnes – et qui vont se gargariser dans des métriques en oubliant que les métriques ne sont qu’une accumulation d’actes individuels.
Si, effectivement une vraie motivation c’est de régler un problème. Et que c’est un vrai problème qu’on a imaginé. C’est un problème qu’on est capable de constater. Alors, pour moi, c’est la première bonne brique pour créer quelque chose. Après, est-ce que ça sera du digital ou pas, je n’en sais rien. À la limite, la solution est moins importante que trouver le bon problème à régler.
Naier : Le meilleur investissement que tu as réalisé pour faire croître ton business, ça pourrait être un investissement en termes de temps, de moyens humains, de moyens financiers, un produit ou un service ?
Fabrice : Le meilleur investissement ? Voilà, si je devais parler d’Inner Code, je dirais que le meilleur investissement que j’ai fait c’est d’aller rencontrer ce type en Suisse. Ça peut paraître bizarre hein. Mais ce n’était pas évident qu’on allait rencontrer ce mec-là.
Je dirais, à un moment, que ça a été un hasard total. Et on s’est beaucoup posé la question de se dire : rencontrer un mec qui entraîne des athlètes au milieu de la neige… bon, ça paraissait un petit peu bizarre quoi.
Ça faisait un peu l’ermite, le Dieu du sommet dans Astérix tu vois ? C’est le vénérable du sommet, et que ça a été peut-être la meilleure décision qu’on ait prise. C’est ça qui nous a fait comprendre que notre vraie valeur était sur la matrice de décisions critiques… voilà… donc 2 billets d’avion. Ce n’est pas cher hein ?
Naier : Fabrice, merci de nous avoir accordé cette interview. Est-ce que tu pourrais dire à nos auditeurs où est-ce qu’ils peuvent te suivre ?
Fabrice : Alors essentiellement sur LinkedIn aujourd’hui. Vous tapez Fabrice des Mazery où je crois Fabrice produit sur Google et vous trouverez directement mon profil LinkedIn.
Naier : Tu es associé à d’autres produits ?
Fabrice : Oui, voilà, parce que je dois être l’un des seuls Fabrice qui fait du produit. Donc c’est assez facile de me trouver… ou product hein, je crois que les deux fonctionnent. Et sur Twitter @desmazery sur lequel, alors, je ne poste pas forcément hyper souvent. Mais je poste ce qui marque ou des articles que j’ai écrits. Donc je ne suis pas hyper actif. Mais, globalement, ce sont vraiment les deux endroits où me trouver.
Après, si vous voulez me voir en conférence, ça arrive que je sois en conférence. Sur YouTube vous trouvez mes conférences si ça peut vous intéresser. Mais le plus simple, si vous voulez me parler, c’est de me rajouter sur LinkedIn. Et je serais toujours ravi de discuter avec des entrepreneurs futurs ou actuels.
Naier : Excellent ! Merci Fabrice, à bientôt !
Fabrice : Merci !
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